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Un homme d’affaires suisse sous enquête pour crimes de guerre en RDC

Une mine de Coltan près de la ville de Rubaya, dans l'est de la République Démocratique du Congo, en août 2019. [Reuters - Baz Ratner]
Un Suisse inculpé pour crimes de guerre commis en RDC / Forum / 1 min. / le 12 décembre 2019
Le Ministère public de la Confédération (MPC) ouvre une enquête pénale sur un ressortissant suisse soupçonné d'avoir pillé des ressources naturelles en République démocratique du Congo (RDC) pendant la guerre, selon l'agence de presse Bloomberg.

Le Ministère public a confirmé jeudi après-midi avoir ouvert en mars 2018 une enquête pénale pour pillage. Ce délit est considéré comme crime de guerre, selon le droit international humanitaire et aux yeux de la loi suisse. Le code pénal prévoit une peine de prison d'au moins trois ans. L'affaire étant toujours en cours, le MPC ne fait pas de commentaires supplémentaires.

C'est TRIAL International, une ONG qui lutte contre l’impunité des crimes internationaux, en collaboration avec l'Open Society Justice Initiative (OSJI), qui a dénoncé pénalement cet homme en novembre 2016. Les deux ONG se félicitent de sa mise sous enquête.

Selon elles, l'homme d'affaires est soupçonné de commerce illicite de minerais au cours de la deuxième guerre du Congo entre 1998 et 2003. Le Suisse aurait exploité quatre mines sous le contrôle de "RCD-Goma", un groupe armé accusé de crimes de guerre.

"Le fait de s’accaparer des biens en profitant d’un contexte de conflit armé, c’est aussi un crime de guerre. Les conséquences sont désastreuses, les ressources sont celles du peuple, qui en a été privé par un groupe armé qui faisait du commerce directement avec cette homme d’affaires suisse", explique Bénédict De Moerloose, responsable du programme Procédures et enquêtes internationales de TRIAL International, dans Forum.

>> Ecouter l'interview complète dans Forum de Bénédict De Moerloose :

Benedict De Moerloose, responsable des Procédures et enquêtes internationales chez TRIAL International.
Un Suisse inculpé pour crimes de guerre commis en RDC: interview de Benedict de Moerloose / Forum / 3 min. / le 12 décembre 2019

Les ONG expliquent avoir commencé à enquêter en 2013 en travaillant avec des partenaires "qui risquaient leur vie" pour trouver des éléments de preuve. "On a réussi à mettre la main sur des documents, notamment commerciaux, des contrats et des documents du RCD-Goma qui citent ce Suisse et lui octroie des concessions minières immenses, où il pouvait s'approprier ces ressources sans droit", explique Bénédict De Moerloose. L'homme d'affaires accusé n'a pas répondu aux sollicitations de la RTS.

Quatre fois le canton de Genève

D'une superficie de près de 1100 km2, ces mines auraient contenu des gisements de cassitérite et de wolframite. La cassitérite contient de l’étain, largement utilisé par l’industrie. La wolframite contient du tungstène, qui entre dans le processus de fabrication de filaments d’ampoules, de tubes pour rayons X ou de projectiles militaires.

Selon le contrat signé entre les deux parties, relayé par TRIAL, l'accusé devait reverser 20% du prix de la cassitérite au groupe armé qui était lui chargé de la sécurité des gisements. L'homme aurait par ailleurs été impliqué dans le commerce de minerais dans cette région depuis 1997 pour le compte d'autres entreprises, y compris suisses.

Le commerce illégal pour financer la guerre

Selon l’ONG Global Witness, c'est grâce au contrôle et à l’exploitation illégale de ressources naturelles que le groupe RCD-Goma a pu financer son occupation, durant laquelle il a commis des violations généralisées des droits humains à l’encontre de la population civile.

"À l’heure où le public exige un engagement accru du secteur privé en faveur du respect des droits humains, l'ouverture d’une enquête sur les agissements d’un homme d’affaires occidental impliqué dans un commerce illégal en zone de conflit envoie un message fort à tout le secteur minier", déclare Bénédict De Moerloose.

Si le Ministère public condamnait le ressortissant, cela constituerait un précédent historique, affirme l'ONG TRIAL dans son communiqué: "Aucun acteur économique n’a été condamné pour pillage des matières premières depuis les procès qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, cette pratique a atteint des proportions alarmantes au cours des dernières décennies."

Mouna Hussain/jfe

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