Qu'il s'agisse de fraude, de corruption et même de mobbing, signaler les manquements ou les pratiques illicites observées sur son lieu de travail expose au licenciement et à des poursuites pénales. Revoir la culture d'entreprise pour considérer les lanceurs d'alerte comme des alliés du système plutôt que des ennemis, tel est l'enjeu du projet de loi fédéral discuté lundi.
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En clair, ce dernier détaille simplement (et seulement, selon ses détracteurs) les étapes de l'alerte: d'abord, la personne qui veut dénoncer quelque chose doit s'adresser à l'entreprise, puis à l'autorité compétente et enfin au public si les démarches précédentes n'ont pas porté leurs fruits. Pour certains observateurs, les entreprises gagneraient à mieux protéger leurs employés. Car à ce jour, environ deux tiers des violations graves en Suisse sont détectées par des lanceurs d'alerte.
"L'économie ne veut pas de garanties"
Selon Sébastien Fanti, le projet de loi est "inabouti", car il n'assure ni l'anonymat, ni une protection contre le licenciement, au moins pendant le processus de vérification des informations révélées. Quant aux collaborateurs victimes d'un licenciement abusif, ils continueraient de toucher une indemnité équivalant à six mois de salaire, tout au plus. "On ne peut que le regretter pour les personnes qui sont de bonne foi et souhaitent que la société fonctionne de manière démocratique", déplore l'avocat, interrogé lundi dans La Matinale.
Le système mis en place par la Cour des comptes à Genève est l'exemple à suivre pour la Suisse.
"Le projet ne prévoit pas ces garanties parce que l'économie n'en veut pas", explique-t-il. "Lorsqu'un lanceur d'alerte est encore en fonction dans une structure privée ou étatique, la pression qui pèse sur ses épaules est extrêmement importante [...] alors que l'économie suisse a toujours fait du business avant de se poser des questions morales."
La Cour des comptes à Genève, "exemple à suivre"
Le Valais a par exemple voté une loi pour protéger les informateurs, mais ne l'a jamais appliquée. A l'autre bout de la Suisse romande, Genève avec sa Cour des comptes fait figure de bon élève. "La Cour possède une plateforme, BKMS, qui permet à une personne de dénoncer un cas problématique de manière anonyme. C'est l'exemple à suivre", estime Sébastien Fanti. "Dans l'idéal, il faut un cocktail de compétences technologiques et juridiques pour protéger les lanceurs d'alerte."
Le projet législatif fédéral étudié lundi risque d'être rejeté. "Personne n'en veut. C'est très compliqué de savoir dans quelles circonstances on peut rendre une information publique."
La Suisse ne pourra peut-être plus rester très longtemps les bras croisés depuis que les 28 membres de l'Union européenne ont adopté, cette année, une amélioration significative de la protection des informateurs.
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Propos recueillis par Agathe Birden
Adaptation web: Alexia Nichele