Modifié

Hélène Spierer, l'une des rares survivantes suisses des camps nazis

Hélène Spierer, l'une des rares Suissesses sauvées des camps nazis. [RTS]
Pour la première fois un livre tente de lever le voile sur les victimes suisses dans les camps de concentration nazis. / 19h30 / 3 min. / le 16 décembre 2019
Pour la première fois, un livre tente de lever le voile sur le nombre de Suisses déportés dans les camps de concentration nazis. Hélène Spierer en fait partie, mais contrairement à la plupart des victimes suisses de l’Holocauste, la Genevoise d’origine juive est restée en vie.

Le livre "Die Schweizer KZ-Häftlinge" paru aux Editions NZZ Libro est le premier ouvrage à dresser une liste vérifiée des personnes de nationalité suisse déportées dans les camps de concentration.

La plupart des 391 hommes, femmes et enfants recensés par les auteurs ont été arrêtés entre 1942 et 1944 en France et en Allemagne. Un quart d’entre eux étaient juifs.

Parmi ces déportés figure Hélène Spierer, la fille du riche industriel du tabac Herman Spierer. Le 14 avril 1944, elle est arrêtée avec sa mère par des soldats allemands dans sa maison de Trieste, en Italie. Elle a alors 19 ans. Hélène, sa mère Vittoria et le peintre suisse Gino Parin passent d’abord quelques semaines à la prison de Trieste avant d’être transférés dans le camp de transit de Fossoli à Modène.

Fausses promesses

Le consulat suisse de Trieste est immédiatement alerté et parvient à obtenir des conditions de détention allégées pour les deux femmes. Les autorités italiennes assurent aux Suisses qu'elles seront bientôt reconduites à la frontière tessinoise.

Pourtant, la situation ne se débloque pas. Avec de nombreux autres juifs, Hélène, Vittoria et Gino Parin sont placés le 16 mai 1944 dans un train à bestiaux en direction de l’Allemagne. Quatre jours plus tard, ils arrivent au camp de Bergen-Belsen, près d’Hanovre. "Le plus pénible c’était de ne pas savoir où on va, et puis la soif, et de ne pas pouvoir dormir. Mais pour finir on nous permettait d’ouvrir le wagon et de nous asseoir sur le bord pour avoir de l’air", se souvient la rescapée dans une longue interview filmée conservée par le Musée de l’Holocauste à Washington.

Le camp de Bergen-Belsen est encore un "Austauschlager": on y place des prisonniers susceptibles d’être échangés contre des Allemands détenus par d’autres pays. Hélène raconte y avoir été plutôt bien traitée. Même si elle y est peu nourrie et qu’elle doit du matin au soir recycler de vieux souliers, la jeune femme ne perd jamais espoir. "On se disait, on est des Suisses, ils feront des démarches, et c'est qu’ont fait les autorités suisses, elles ont fait des démarches."

Une libération "exceptionnelle"

Effectivement, alors que Gino Parin meurt de maladie à Bergen-Belsen, Hélène et Vittoria Spierer sont reconduites à Bâle sous escorte SS le 20 juillet 1944. Le sauvetage des deux femmes reste jusqu’à aujourd’hui un mystère. Ont-elles été échangées contre des Allemands détenus en Suisse? Une rançon a-t-elle été versée? "On sait qu’elle et sa mère ont été arrêtées pour servir de monnaie d’échange, mais on ne sait pas ce qui s’est passé, on ne sait pas quelles ont été les conditions de leur libération", indique Emil Spierer à la RTS.

Selon le journaliste zurichois Balz Spörri, co-auteur du livre "Die Schweizer KZ-Häftlinge", ce sauvetage est une exception. La Suisse n’a fait que peu d’efforts pour faire libérer ses ressortissants déportés dans les camps. "En 1943-1944, il y a eu des pourparlers entre la Suisse et l’Allemagne concernant la libération des espions allemands arrêtés en Suisse. L’Allemagne aurait été prête à libérer les déportés suisses contre ces prisonniers, mais le gouvernement suisse n’a pas voulu", explique Balz Spörri à la RTS.

Au moins 201 Suisses sont morts dans les camps de concentration.

Jean-Marc Heuberger/ther

Publié Modifié