Pour Washington et ses alliés ukrainiens, le gazoduc Nord Stream 2, qui doit doubler l'infrastructure actuelle qui achemine le gaz russe vers l'Europe via la mer Baltique, va accroître la dépendance des Européens vis-à-vis du gaz russe et, ainsi, renforcer l'influence de Moscou.
Les sanctions comprennent le gel des avoirs et la révocation des visas américains pour les entrepreneurs liés au gazoduc, une mesure qui vise à bloquer la fin des travaux de l'infrastructure, déjà construite à 80%, et qui devait théoriquement entrer en service à la fin de cette année. Le gazoduc doit permettre de doubler les livraisons de gaz naturel russe vers l'Allemagne, grande bénéficiaire du projet. Le texte, accepté mardi par le Sénat américain à une très large majorité de 86 contre 8, avait été adopté une semaine avant par la Chambre des représentants.
Entreprise touchée à Châtel-St-Denis
L'une des principales cibles de ces mesures est Allseas, une entreprise suisse basée à Châtel-Saint-Denis (FR). Elle est propriétaire du plus grand navire de pose de pipelines du monde, le Pioneering Spirit, affrété par le russe Gazprom pour construire la section offshore. Dans la foulée de l'annonce américaine, dans la nuit de vendredi à samedi, Allseas a indiqué qu'elle suspendait ses travaux. Elle devait encore poser l'une des dernières sections du gazoduc, en grande partie achevé, dans les eaux danoises.
Voir la position en temps réel du navire Pioneering Spirit
Peu après l'annonce des sanctions américaines contre les firmes associées à sa construction, l'Union européenne a dénoncé fermement l'ingérence des Etats-Unis dans sa politique énergétique. "Par principe, l'Union européenne s'oppose à l'imposition de sanctions contre des entreprises européennes se livrant à des activités légales", a affirmé l'un de ses porte-parole.
L'Allemagne dénonce une ingérence américaine
"Ces sanctions affectent des sociétés allemandes et européennes et constituent une ingérence dans nos affaires intérieures", a réagi de son côté le gouvernement allemand dans un communiqué.
Pareille dénonciation du côté de Moscou. "Un Etat avec une dette publique de 22'000 milliards de dollars interdit à des pays solvables de développer leur économie réelle", a déclaré la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova, dénonçant une idéologie américaine qui "ne supporte pas la concurrence mondiale". La Russie a d'ores et déjà indiqué qu'elle mènerait à bien ce projet en dépit des sanctions annoncées.
Mise en service retardée
Le gazoduc représente un investissement d'une dizaine de milliards d'euros, financé pour moitié par Gazprom et pour l'autre moitié par cinq sociétés européennes: OMV, Wintershall Dea, Engie, Uniper et Shell. Sa construction est un coup dur pour l'Ukraine, qui se verra complètement exclue du transit du gaz vers l'Europe.
Depuis ses débuts, de nombreux obstacles se sont dressés sur le chemin du projet. Nord Stream 2 n'a ainsi obtenu que fin octobre le feu vert du Danemark pour traverser ses eaux, ce qui risque de retarder sa mise en service, initialement prévue fin 2019.
ats/Vincent Cherpillod