La mort de Jean-François Bergier a été confirmée par le Service
historique du Département fédéral des affaires étrangères, suite à
une information de la Radio Suisse romande.
Son nom restera associé au fameux "Rapport Bergier", un document
de 600 pages publié en 2002 après cinq ans de recherches poussées.
Revisitant une période sensible de l'histoire suisse, le document
n'épargnait pas ses critiques envers les autorités helvétiques de
l'époque, notamment sur la question des réfugiés juifs.
Un rapport explosif
En pleine crise des fonds en déshérence, le Conseil fédéral
avait choisi le professeur Bergier pour présider une commission
internationale d'experts réunissant plus de 30 chercheurs. Celle-ci
a rédigé 25 études et contributions totalisant quelque 11'000
pages, plus un rapport de synthèse appelé "Rapport Bergier".
Ce travail de fond avait valu à la commission des éloges, surtout
à l'étranger, et beaucoup de critiques en Suisse, notamment à
droite de l'échiquier politique et parmi ceux qui ont participé à
la MOB. A l'époque, Jean-François Bergier avait même reçu des
insultes.
Dans ses conclusions rendues en 2002, la Commission Bergier
soulignait que la Suisse avait manqué à ses responsabilités à
plusieurs égards durant la Seconde Guerre mondiale, en particulier
envers les réfugiés.
Soudaine célébrité
L'histoire contemporaine n'était pourtant pas son domaine de
prédilection. C'est dans l'histoire des Alpes et l'histoire
économique entre la fin du Moyen Age et l'époque moderne que
l'historien vaudois, diplômé de l'école nationale des Chartes à
Paris, avait acquis sa réputation, publiant de nombreux ouvrages et
enseignant dans des établissements réputés (voir
ci-contre).
Cet homme de la Riviera vaudoise, fin connaisseur de la Suisse et
de la Suisse romande, n'était pas préparé à être exposé à la
tempête médiatique suscitée par son rapport. "Moi qui n'ai jamais
eu d'ennemis de ma vie, j'ai dû accepter que le conflit s'engage
avec certains groupes", expliquait-il alors dans des
interviews.
rsr/agences/boi
Professeur à Genève et Zurich
Né à Lausanne en 1931, Jean-François Bergier avait enseigné l'histoire économique et sociale à Genève de 1963 à 1969, puis l'histoire durant 30 ans, jusqu'en 1999, à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich.
Il a aussi été professeur associé à la Sorbonne, pour la chaire d'histoire économique du Moyen Age.
L'historien avait reçu en 2002 à Lausanne le Prix Max Petitpierre pour sa ténacité et sa persévérance à la tête la Commission Bergier, malgré les critiques.
Hommages et réactions critiques
Le gouvernement suisse peut être reconnaissant envers Jean-François Bergier pour son travail, estime l'ancienne conseillère fédérale Ruth Dreifuss. L'examen du rôle de la Suisse durant la Deuxième Guerre mondiale était douloureux pour l'historien, a déclaré la Genevoise jeudi. Jean-François Bergier s'est acquitté de sa tâche avec une grande intégrité et a toujours su défendre avec succès l'indépendance de la commission d'experts.
Le professeur Marc Perrenoud, qui a collaboré avec Jean-François Bergier durant les cinq années d'activité de la Commission Bergier, s'est dit "très ému". "C'était un homme d'une immense culture et d'une grande ouverture intellectuelle et c'est évidemment une perte pour beaucoup de gens", a-t-il déclaré.
Parmi ses détracteurs, l'économiste Jean-Christian Lambelet, auteur d'un "contre-rapport Bergier", a rendu hommage à un homme "très courtois", un "gentleman". "Mais il manquait un peu de fermeté, on l'a vu dans la manière dont il a dirigé la commission".
Le conseiller national UDC Oskar Freysinger a pour sa part regretté le décès de l'historien. Il a toutefois rappelé qu'il était un de ses plus farouches adversaires. "Au fond, le résultat obtenu était dicté d'avance. Il s'agissait d'une commande dictée pour amadouer les Américains et le Congrès juif mondial", selon le Valaisan.