L'initiative populaire de l'Association suisse des locataires (ASLOCA) veut inciter la Confédération et les cantons à encourager davantage la construction d'habitations à loyer modéré, avec ce minimum de 10% de logements "abordables".
Pour y parvenir, cantons et communes pourraient faire valoir un droit de préemption, notamment sur les immeubles appartenant à la Confédération ou à des entreprises qui lui sont liées, comme les CFF ou La Poste. L'initiative demande aussi à ce que les subventions publiques, par exemple pour les assainissements énergétiques, soient accordées seulement à condition qu'elles n’entraînent pas la disparition de logements à loyer modéré.
"Répondre à un droit fondamental", pour les partisans
Le comité d'initiative regroupe notamment l'ASLOCA, la Fédération des coopératives d’habitation, le Parti socialiste, les Verts, l’Union syndicale suisse et différentes associations.
Les initiants ont lancé leur texte à cause de l'augmentation des loyers des dernières années, malgré des taux bas qui auraient dû selon eux permettre une baisse de 40%. Selon le comité, les loyers surfaits et hausses arbitraires répondent à l'envie des investisseurs d'obtenir des profits toujours plus élevés, au détriment de la construction d’habitations d’utilité publique qui ne génère pas de profit. Leur texte vise ainsi à soustraire durablement des logements à la spéculation.
L'initiative répondrait à un besoin fondamental qui figure dans la Constitution fédérale, à savoir que l'Etat doit veiller à ce que chacune et chacun puisse trouver une habitation adéquate et abordable. Les partisans estiment donc qu'avec 5% du parc immobilier suisse, les logements d'utilité publique sont insuffisants aujourd'hui.
"Une initiative trop rigide et injuste", selon les opposants
A l’exception des socialistes et des Verts, tous les principaux partis représentés aux Chambres fédérales, avec l’Union suisse des arts et métiers et des organisations patronales, de propriétaires fonciers et de professionnels de l’immobilier, sont opposés au texte.
Selon eux, le pourcentage de 10% est "trop rigide" et ne répond pas à la demande réelle. Par ailleurs, surveiller l'application de ce quota entraînerait des contrôles et, par conséquent, la création d'un appareil bureaucratique qui ralentirait le processus d'octroi des permis de construire. Les opposants craignent donc que l'initiative ne freine les investisseurs, qui s'éloigneraient du marché immobilier, faisant diminuer le nombre de construction de nouveaux logements et augmenter en conséquence les loyers sur les habitations existantes.
De plus, le comité estime que l'initiative est contraire à la liberté contractuelle et à la garantie de la propriété, et juge "injuste" que les contribuables passent à la caisse pour financer les coûts liés à l'application de l'initiative, estimés par le Conseil fédéral à 120 millions de francs annuels.
L'avis négatif du Conseil fédéral
Le Conseil fédéral considère d'ailleurs l'initiative comme une ingérence disproportionnée et inutile dans l’approvisionnement en logements qui fonctionne bien dans son ensemble.
Le gouvernement veut toutefois soutenir la construction de logements bon marché et a proposé au Parlement de débloquer un montant de 250 millions de francs sur dix ans. Ce dernier, qui a également rejeté l'initiative de l'ASLOCA, a accepté de suivre le Conseil fédéral sur ce point. Ce montant sera débloqué en cas de refus du texte le 9 février.
Victorien Kissling