Bien que des avions suspects aient transité par l'espace aérien
helvétique, Berne a renouvelé en février l'autorisation de survol
de la Suisse pour les avions officiels américains sur la base
d'«assurances verbales» fournies par Washington. Des assurances que
Dick Marty juge «tardives» et «pas particulièrement crédibles à la
lumière des faits établis».
Pour le rapporteur du Conseil de l'Europe, le Conseil fédéral a
préféré adopter une position «formaliste», en se basant sur le
«principe de confiance». «Il souhaitait clairement renouveler
l'autorisation de survol, ce qu'il a fait sans poser plus de
questions», déplore-t-il.
Affaire Abou Omar
Selon Dick Marty, la justice italienne a établi que la CIA avait
transféré l'ancien imam de Milan Abou Omar, enlevé en février 2003
dans la capitale lombarde, vers l'Allemagne via l'espace aérien
suisse et que le chef de cette opération «a séjourné en Suisse». Le
Ministère public de la Confédération (MPC) a d'ailleurs ouvert une
enquête préliminaire sur ce sujet.
Toujours dans la même affaire, Dick Marty relève que, selon des
informations parues dimanche dans la presse suisse, les autorités
helvétiques ont «délibérément échoué» à exécuter un mandat d'arrêt
contre le chef de l'opération de la CIA, Robert Lady, alors qu'il
se trouvait récemment à Genève. La police avait reçu l'ordre de le
surveiller discrètement.
Pour le sénateur tessinois, cet épisode «rallume les critiques à
l'encontre des autorités (suisses), accusées d'obéissance servile à
l'égard des USA».
Fax égyptien
L'ancien procureur du canton du Tessin regrette en outre les
poursuites lancées par la justice militaire fédérale contre les
journalistes du «Sonntagsblick» ayant révélé l'affaire. Selon lui,
cette procédure se base «sur des règles dont la compatibilité avec
le principe de liberté de la presse (...) est hautement
douteux».
Le DFAE se dit transparent
Le DFAE a rejeté les reproches formulés par Dick Marty. «Nous
avons toujours été transparents et clairs sur les principes» à
l'égard des Etats-Unis, a déclaré à l'ATS Lars Knuchel,
porte-parole du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).
Selon lui, les services de Micheline Calmy-Rey ont fait savoir dès
le printemps 2005 à Washington qu'ils considéraient le
transfèrement de prisonniers dans des pays où ils risquaient d'être
torturés comme contraire au droit international. Le DFAE et le
Conseil fédéral ont en permanence agi en conformité avec le droit
existant, a-t-il ajouté.
Berne «réexaminera» l'autorisation de survol accordées aux avions
américains si Washington a menti. Le porte-parole a par ailleurs
souligné que cette autorisation a été prolongée jusqu'à la fin
2006, sur la base du principe d'une confiance mutuelle - »base des
relations internationales» - et des assurances apportées à la fin
janvier dernier par Washington.
Agences/sch
14 pays européens ont collaboré avec la CIA
Selon le rapport de Dick Marty, quatorze Etats européens ont collaboré avec la CIA ou toléré le transfers par avions de terroristes présumés.
Le texte soupçonne la Pologne et la Roumanie d'avoir abrité des prisons secrètes, même si Dick Marty indique ne pas avoir de preuves formelles.
Le rapport met en cause, pour «violations des droits de la personne» lors des transfèrements illégaux, les sept pays suivants: Suède, Bosnie-Herzégovine, Royaume-Uni, Italie, l'ancienne république yougoslave de Macédoine, Allemagne et Turquie.
D'autres Etats peuvent être tenus pour responsables de collusion - active ou passive - en matière de détentions secrètes et de transferts interétatiques illégaux: Pologne, Roumanie, Espagne, Chypre, Irlande, Portugal, Grèce.
Les pays mis en cause réagissent
Tony Blair a déclaré mercredi qu'il n'y a "absolument rien de nouveau" dans le rapport de Dick Marty, ajoutant que deux requêtes avaient "été acceptées et deux refusées".
Le Premier ministre polonais Kazimiertz Marcinkiewicz a qualifié les conclusions du rapport de "calomnies".
Pour la Roumanie, il ne s'agit que de "soupçons", il n'y a "pas de preuves de la présence de centres de détention en Roumanie".
Le ministère espagnol des Affaires étrangères rejette "de façon ferme et catégorique" les conclusions du rapport, ajoutant n'avoir "pas la moindre information à ce sujet".
Amnesty International s'est félicitée pour sa part des conclusions du rapport Marty, un "signal ferme et clair envoyé par le Conseil de l'Europe aux gouvernements européens et aux Etats-Unis".