C'est le cas notamment d'une petite société genevoise active dans la nutrition. Elle a recruté une majorité de femmes, qui sont toutes tombées enceintes au cours des trois dernières années et se sont absentées avant le terme.
Résultat: retour de balancier de l'assurance perte de gain (APG) en cas de maladie. L'entreprise a vu la totalité de ses primes augmenter de 50% en ce début d'année, raconte son administrateur Renaud Langel.
"Cette accumulation de cas fait que nous devenons une société entre guillemets à risque. Puis finalement, les primes augmentent de manière assez exorbitante", déplore-t-il.
"Pas de distinction"
Le patron genevois paie déjà des primes plus élevées pour les femmes qu'il engage (comparé aux hommes). Il découvre désormais cette nouvelle "sanction", comme il le dit.
C'est un frein supplémentaire à l'embauche des femmes, dénonce-t-il, alors qu'il milite pour plus d'égalité dans le monde du travail. Les assureurs ne font pas de distinction entre les types d'arrêts. Ils ne regardent que le ratio des sinistres, mais ne tiennent pas compte des diagnostics.
"C'est ça que je trouvais choquant: il n'y a pas de distinction entre une vraie maladie et une grossesse. Quand on parle de grossesse, ce ne sont pas des problèmes récurrents liés à une mauvaise gestion ou à une activité à risque", explique Renaud Langel.
Négocier avec les assureurs
Contactés par la RTS, les assureurs renvoient la balle aux politiques. Finalement, c'est le législateur, en Suisse, qui n'a pas voulu d'assurance sociale (d'allocation de maternité) avant la naissance de l'enfant. Contrairement à nos pays voisins.
Pourtant, la majorité des femmes s'arrêtent avant le terme. Plus de 80% des femmes s'absentent avant leur accouchement et cette absence dure en moyenne six semaines, selon les autorités fédérales.
Eric Henchoz, courtier en assurance, connaît bien le cas de ces entreprises qui n'ont pas assez "panaché les âges". Il tente en général de négocier avec les assureurs pour leur faire remarquer qu'il s'agit seulement de grossesses.
"Quand on arrive dans des situations tragiques comme celles-là, où des clients ne trouvent plus de compagnie d'assurance ou à un prix adéquat, nous allons effectivement creuser les définitions des absences pour tenter de démontrer à un assureur que, pendant les trois dernières années, il y a eu une forme de baby boom qui ne pourrait pas se reproduire" indique-t-il.
Problème d'écoute
Cette démarche peut parfois fonctionner, mais il l'admet, ces négociations sont difficiles. La moitié du temps, l'écoute n'est pas au rendez-vous. Mais pourquoi a-t-il autant de peine à se faire entendre auprès des assureurs? Le marché s'est durci dernièrement. Après des années de concurrence intensive, les assureurs ne sont plus disposés à faire un geste.
"Depuis 2018, on voit que les primes sont plus élevées et que les perspectives financières ont aussi nettement réduit les possibilités de rabais", explique Martin Eling, directeur de l'Institut d'économie de l'assurance à Saint-Gall. "De manière générale, le marché des assurances perte de gain n'est plus attractif pour les assureurs. Outre la concurrence intensive, s'ajoutent aussi des cas de maladie plus onéreux, ce qui fait que les assurances résilient les contrats ou augmentent assez fortement les primes. Naturellement, cela touche fortement les PME ou les indépendants."
Alors certaines entreprises préfèrent simplement renoncer à cette assurance et assumer elles-mêmes leurs obligations. Mais le risque est élevé et il est réservé aux grandes entreprises, qui ont les reins solides.
Sandrine Hochstrasser/gma