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Quels mots et actes seront punis si la loi anti-homophobie est acceptée?

Qu'est-ce qui va changer le 9 février prochain si les Suisses acceptent d'étendre l'interdiction de discriminer ou d'inciter à la haine à l'orientation sexuelle? Au bistrot, au Parlement ou en famille, quels actes et quelles paroles seront punissables?

Au niveau des paroles, il ne deviendra pas punissable d'insulter un couple de femmes qui se balade dans la rue... car ça l'est déjà. On parle ici du délit d'injure au niveau individuel, personnel... que cette injure soit homophobe ou autre.

L'extension de la norme concerne les propos tenus de manière générale contre une communauté en lien avec l'orientation sexuelle.

Droit à l'humour

Il ne sera en revanche pas punissable de faire des blagues sur les homosexuels au bistrot avec ses amis. En effet, la norme ne peut pas s'appliquer à des propos tenus dans un cadre restreint: au café ou au travail par exemple.

Il en va donc de même dans le cadre privé, par exemple si votre tante fait des remarques dénigrantes sur les personnes bisexuelles lors d'un dîner de famille du dimanche, ses propos ne sont pas concernés par la loi.

Et faire des blagues en public ou sur les réseaux sociaux? L'avocat et chargé de cours à l'Université de Lausanne Alexandre Curchod rappelle dans Forum qu'il existe un droit à l'humour. Il restera possible de faire des plaisanteries même sarcastiques ou méchantes, mais il y a une limite: celle de l'atteinte à la dignité humaine, par exemple lorsque l'on fait référence à un événement historique comme la Shoah.

"Débat public raisonné"

On parle aussi parfois d'homosexualité dans le débat public. Qu'est-ce que les politiciens et politiciennes auront encore le droit de dire? La liberté d’expression est garantie quand on parle de débat politique, précise Maître Curchod. Un politicien peut donc donner son point de vue, comme par exemple dire qu'il est contre le mariage gay, ou faire des remarques provocatrices. Tout ce qui entre dans le cadre d'un débat public raisonné reste possible. La loi ne réprime que des situations particulièrement graves où il y a un appel à la haine ou une intention réelle de dénigrer, de parler "en mal", précise l'avocat.

Un exemple concret revient souvent dans la campagne actuelle: certains référendaires décrivent l'homosexualité comme une "déviance" ou une "maladie". Pour Maitre Curchod, ces propos sont délicats et deviendraient probablement punissables, car dénigrants, avec l'introduction de la norme. Ce sera aux tribunaux d'en décider.

Actes discriminants

Du côté des faits, un exemple dénoncé par les référendaires est celui de l'hôtelier qui refuserait d'accepter quelqu'un parce qu'il est homosexuel. Un comportement de ce type pourra être poursuivi, car une prestation offerte publiquement ne pourra pas être refusée à la communauté désignée par la loi.

De manière générale, cette loi ne parle pas d'avis ou de convictions, mais de propos graves et dénigrants ou d'actes discriminants. La norme existe déjà pour d'autres critères comme l'ethnie, la race ou la religion. Mais l'avocat Alexandre Curchod rappelle que l'application des tribunaux est plutôt libérale: on parle de 40 à 50 condamnations par année, ce qui reste peu par rapport aux autres infractions, comme l'injure.

Camille Degott/jvia

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