Le gouvernement a repris mercredi à son compte les
recommandations d'un rapport de l'Office fédéral de la justice mis
en consultation en février. Celui-ci arrive à la conclusion que les
éventuels abus en matière d'assistance au suicide doivent être
combattus en appliquant le droit en vigueur, et non en modifiant la
loi.
Concrètement, le code pénal réprime déjà l'euthanasie active
directe. Assimilée à un homicide, celle-ci est interdite en Suisse.
En revanche, l'euthanasie active indirecte (soulager les douleurs
d'un malade avec des doses de sédatif susceptibles de raccourcir sa
durée de vie) et l'euthanasie passive (renoncer aux mesures
prolongeant la vie du malade) ne sont pas punissables, sous
certaines conditions.
Statu quo
Face à ce «flou juridique», le Parlement a chargé le Conseil
fédéral de lui soumettre des propositions de réglementation légale.
Le gouvernement recommande désormais aux Chambres de renoncer à
entreprendre une révision du code pénal et à élaborer une loi sur
l'admission et la surveillance des organisations d'assistance au
suicide.
Pour lui, une réglementation légale de portée générale ne
permettrait pas de répondre à toutes les questions délicates qui se
posent dans chaque cas de figure. Elle ne serait donc d'aucune
utilité pratique.
Les règles de déontologie des médecins - en particulier les
directives de l'Académie suisse des sciences médicales - sont mieux
à même de garantir une réglementation détaillée des situationns
«aussi complexes que multiples.»
Tourisme de la mort
L'approche libérale de la Suisse a favorisé l'éclosion
d'organisations d'aide au suicide, telles Exit, et l'apparition du
«tourisme de la mort». Ainsi, Dignitas - qui compte quelque 4500
membres domiciliés dans 52 pays - a assuré l'assistance au suicide
de 362 personnes entre 1998 et février 2005.
Sous l'angle politique, ce phénomène n'est pas sans avoir des
incidences négatives sur l'image de la Suisse, relèvent les
experts. L'accroissement du nombre de suicides assistés recèle
aussi le risque de transgressions plus fréquentes de la frontière
entre ce qui est légal et ce qui relève du comportement
délictueux.
Risqué
Cependant, les autorités cantonales et communales peuvent
empêcher les abus en appliquant résolument le droit en vigueur,
selon le gouvernement. La Confédération pourrait certes édicter une
loi sur la surveillance de ces organisations.
Mais toutes les options examinées se sont révélées
disproportionnées ou inappropriées. Elles se traduiraient par une
bureaucratisation et reviendraient à légitimer les activiés d'aide
au suicide, «ce qui n'est pas sans susciter de sérieuses
réserves».
Seule concession du Conseil fédéral, une «éventuelle» révision de
la loi sur les stupéfiants et sur la promotion des soins palliatifs
sera envisagée au cours d'une «deuxième étape». La prescription de
natrium pentobarbital (NAP), substance utilisée pour les suicides
acconmpagnés, pourrait ainsi être soumise à des conditions plus
strictes.
ATS/sch
Serpent de mer
Dès son entrée au gouvernement, Christoph Blocher avait fait connaître son peu d'empressement à intervenir dans le domaine de l'euthanasie. Le Parlement a tenté vainement à plusieurs reprises de forcer la main au Conseil fédéral au cours des dix dernières années.
En 2000 déjà, le Conseil fédéral avait préféré miser sur le statu quo alors qu'il était censé trancher sur un rapport commandé par l'alors conseillère fédérale Ruth Metzler. Les experts y recommandaient de dépénaliser même l'euthanasie active directe, afin d'aider les malade incurables qui demandent à mourir pour soulager des souffrances insupportables.