Alors que le bilan de l'épidémie du nouveau coronavirus a atteint 5974 contaminations et 132 morts mercredi en Chine, dans d'autres pays et régions des cas isolés d'infection ont été confirmés (Hong Kong, Macao, Thaïlande, Vietnam, Australie, Etats-Unis, Canada, Malaisie, Emirats arabes unis, France, Allemagne).
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Pour aider à comprendre ce nouveau virus et ses enjeux sanitaires, Laurent Kaiser, chef du Service des maladies infectieuses aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et du Centre des maladies virales émergentes, a dressé un état de lieux de la situation, dimanche dans l'émission Forum.
RTSinfo: A quoi a-t-on affaire?
L.K.: Dans la famille des coronavirus, il y a des types relativement inoffensifs, qui causent juste un rhume, et à l'autre extrême du spectre, on a le Sras, qui lui cause une maladie grave. En terme de gravité, ce coronavirus se situe entre les deux: il ressemble au Sras, mais aussi au virus qui cause juste un rhume. On ne sait pas exactement pour l'instant où se situe le curseur.
Ce nouveau coronavirus vient du monde animal, et tout à coup il s'installe chez l'homme, causant des maladies respiratoires comme des pneumonies. Personne n'a encore été confronté à ce nouveau virus, donc tout le monde est théoriquement susceptible de l'attraper.
Les virus de type coronavirus sont présents chez les petits animaux que l'on trouve souvent sur les marchés chinois, ce qui explique pourquoi ce virus, comme d'autres avant lui, vient de Chine.
Comment se transmet le virus?
Pour l'instant, on a l'impression que le virus se transmet par voie aérienne. Par voie aérienne, il a deux façons de se transmettre: soit par des gouttelettes - auquel cas il faudrait être assez près, à 1,5 mètre au minimum -, soit par aérosol - on pourrait alors l'attraper par exemple dans le bus.
Actuellement, on ne sait pas si cela se transmet par aérosol. Si c'est le cas, cela va faciliter l'extension du virus à travers le monde.
Deux choses sont importantes. Premièrement, savoir si le virus s'étend hors de l'épicentre Wuhan et de la Chine. Et la deuxième chose, que l'on n'a pas encore observé jusqu'à maintenant, ce sont des chaînes de transmission en-dehors de la Chine. C'est-à-dire une personne qui arrive dans un autre pays ou continent, et qui transmet le virus à une deuxième, puis une troisième personne, etc. Si on l'observe cela, ce sera un signe très clair que dans des conditions autres qu'à Wuhan - où la densité de la population est énorme, avec des conditions climatiques et environnementales particulières - le virus est capable de s'adapter et peut s'étendre à travers le monde.
Quels sont les effets et comment le combattre?
On n'a pas l'impression que ce virus est particulièrement méchant, il se comporte comme une grippe sévère.
Pour le combattre, on n'a pas de vaccin ni d'antiviraux, mais on peut, comme pour les grippes sévères, aider les gens à combattre les complications - avec des antibiotiques si c'est bactérien, ou avec des perfusions ou des soins intensifs si nécéssaire.
Quel est le taux de mortalité?
Il varie actuellement entre 1 et 14%. Les chiffres changent d'heure en heure, et tant qu'on n'a pas une vision globale, on ne saura pas. Un point important: au début des épidémie, on surestime toujours la mortalité. Mais même si c'est 1%, c'est beaucoup plus que la grippe qui sévit actuellement en Suisse.
Sur les chiffres qui nous parviennent, les personnes qui en décèdent pour l'instant sont surtout des personnes d'un certain âge ou qui ont des maladies chroniques.
Faut-il s'inquiéter en Suisse?
C'est très difficile, même avec nos connaissances des virus et de la santé publique, de dire exactement où on en est en ce moment, parce qu'on n'a pas encore assez de données. On est dans une zone grise, mais on sait qu'il est sans doute préférable d'exagérer un peu en termes de précautions, de prendre des mesures de santé publique qui nous semblent adéquates, même si elles peuvent paraître excessives aux yeux du public.
Le point-clé pour les médecins, c'est de préserver les hôpitaux. Si vous avez des hôpitaux débordés par une grosse grippe, cela congestionne tout le système de santé.
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Propos recueillis par Mehmet Gultas
Adaptation web: Katharina Kubicek
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