Pour le président du Comité international de la Croix-Rouge Peter Maurer, interrogé par Le Matin Dimanche sur la légitimité du refus de certains pays de rapatrier leurs djihadistes, la question ne se pose pas en termes de violation des Conventions de Genève, mais en termes politiques.
"C'est une question de responsabilité. Souvent, ces mêmes pays ont été les premiers à parler de responsabilité du pays d’origine lorsqu'il s’agissait de retour de migrants. Ils devraient y penser aujourd’hui", analyse l'historien et spécialiste du droit humanitaire international, né à Thoune (BE), qui dirige le CICR depuis huit ans. "Les priver de leur statut ou de leur nationalité n’est pas une solution".
Ces mêmes pays ont été les premiers à parler de responsabilité du pays d’origine lorsqu'il s’agissait de retour de migrants. Ils devraient y penser aujourd’hui
S'il dit comprendre les soucis de sécurité que posent ces cas, Peter Maurer souligne qu'"essayer de se protéger en laissant ces personnes dans des camps irakiens ou syriens" est un mauvais calcul, car "c’est oublier qu’il n’y a aucune garantie qu’ils y restent". Il estime, en outre, qu'avant de vouloir juger des djihadistes dans d'autres pays, il faut mettre en place des systèmes qui permettent de le faire.
Pour le SRC, les juger en Suisse pose problème
Il y a un an, la conseillère fédérale en charge de la justice Karin Keller-Sutter s'était justement opposée au retour des djihadistes suisses pour des raisons de sécurité. La France, longtemps réticente, a finalement évoqué l'idée d'un rapatriement, un sujet abordé lors de la récente visite de la ministre de la Défense Viola Amherd à Paris. "Probablement que la Suisse s’alignera sur certains pays de l’Union européenne", a indiqué la semaine dernière le patron du Service de renseignement (SRC) de la Confédération, Jean-Philippe Gaudin.
>> Lire à ce sujet : "Pas d'autre solution" que le rapatriement des djihadistes français
Aux yeux de ce dernier, les juger en Suisse pose aussi problème, car "c'est très compliqué d'obtenir des preuves de leurs véritables activités au sein du mouvement terroriste. Même une fois en prison ou après avoir purgé leur peine, ces personnes doivent être surveillées". Il estime leur déradicalisation quasi impossible. "Ces gens sont amers, aigris. Ils ne regrettent rien", avance-t-il.
Retour en Suisse pas interdit
Actuellement, le SRC estime à une vingtaine le nombre de djihadistes suisses - hommes, femmes et enfants - se trouvant entre la Syrie et l'Irak. Parmi eux, au moins sept enfants ayant un lien avec la Suisse ont été localisés dans des camps syriens, affirment différents médias. Le Conseil fédéral a décidé en juin de ne pas rapatrier activement les adultes, mais n'interdira toutefois pas un retour en Suisse. Pour les mineurs, un rapatriement pourra être examiné au cas par cas, dans l’intérêt de l’enfant.
Vendredi, l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, dont la Suisse fait partie, a adopté une résolution exhortant à rapatrier de Syrie les enfants de djihadistes étrangers. Selon elle, il s'agit d'une obligation née des droits fondamentaux et un devoir humanitaire.
ats/vic