Après des mois de négociations, les autorités suisses ont réussi en fin de semaine dernière à mettre en place un canal bancaire humanitaire qui permettra à l'Iran d'importer des médicaments. En réussissant à mettre d'accord Iraniens et Américains, la diplomatie suisse a réussi un tour de force, alors que les deux pays menaient des frappes l'un contre l'autre il y a peu de temps encore.
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Les Etats-Unis ont accepté que des banques suisses servent d'intermédiaires pour les importations de biens de première nécessité: matières premières agricoles, denrées alimentaires, médicaments ou appareils médicaux notamment. Des biens qui, normalement, ne sont pas frappés par les sanctions américaines. Mais comme les banques qui commercent avec l'Iran le sont, l'importation de médicaments en Iran est compliquée, avec pour conséquence des pénuries.
Une "mise en scène" des Suisses
Vendredi dernier, la situation s'est débloquée avec un premier envoi "pilote": l'Iran a pu importer des médicaments de Novartis par l'intermédiaire d'une banque genevoise, la Banque de commerce et de placements.
L'annonce de cette avancée pour la population a, pourtant, été fortement critiquée. Car pour marquer l'arrivée des premiers cartons, l'ambassade de Suisse à Téhéran a posté sur les réseaux sociaux une vidéo de l'ambassadeur recevant les médicaments. Des internautes iraniens se sont alors insurgés contre "une mise en scène" des Suisses. Motif de la colère: il ne s'agissait pas d'aide humanitaire, comme le laissaient penser les images, mais de biens achetés par l'Iran.
Dans un contexte international extrêmement tendu, cette célébration suisse est mal passée, au point que l'ambassade a retiré la vidéo de son compte Twitter, ne laissant qu'une photo.
"Récupération politique" des USA
Du côté du Département fédéral des affaires étrangères, on regrette que l'accent soit mis sur cet incident, alors que l'avancée pour le peuple iranien est importante. Cette affaire montre à quel point le sujet est sensible, et donc à quel point le travail de la Suisse a été difficile, indique son porte-parole.
Car il n'y a pas que les internautes qui ont réagi vivement: des officiels iraniens en ont aussi fait une passe d'armes. Pour les Iraniens, l'autorisation de ce montage financier n'est pas un geste d'apaisement de la part des Etats-Unis, mais de la récupération politique; une façon, pour Donald Trump, de montrer qu'il est aux côtés du peuple iranien.
Ce "canal humanitaire" ne concerne, pour l'heure, que les entreprises suisses qui acceptent de se soumettre à un contrôle du Trésor américain. C'est donc un tout petit pas, une goutte d'eau par rapport au nombre d'entreprises qui ont cessé de commercer avec l'Iran depuis que les Etats-Unis ont imposé de nouvelles sanctions. Le mécanisme de troc prévu par les Européens, qu'on appelle Instex, devrait concerner d'autres produits, mais il n'est pas encore opérationnel.
>> Plus de détails dans notre article : Les Européens n'arrivent pas à contourner les sanctions en Iran
Sujet radio: Anouk Henry
Adaptation web: Vincent Cherpillod