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"La neutralité suisse, porte ouverte aux services de renseignement"

L’entreprise Crypto a équipé des services secrets dans le monde entier avec des appareils de chiffrement truqués (vidéo)
L’entreprise Crypto a équipé des services secrets dans le monde entier avec des appareils de chiffrement truqués (vidéo) / L'invité-e d'actualité / 8 min. / le 12 février 2020
L'affaire d'espionnage qui touche l'entreprise zougoise Crypto, pour laquelle le Conseil fédéral a ouvert une enquête, ne surprend pas l'historien Christophe Vuilleumier. Selon lui, la neutralité de la Suisse est "une porte ouverte aux services de renseignement étrangers".

La CIA et les services de renseignement allemands (BND) ont intercepté des milliers de documents de plus de cent pays via l'entreprise Crypto durant des dizaines d'années, a fait savoir mardi le Département fédéral de la défense.

>> Lire également : Le Conseil fédéral ouvre une enquête pour espionnage sur l'entreprise Crypto

L'affaire soulève des interrogations. Le Conseil fédéral était-il au courant? Les partis politiques veulent des réponses. "Il faut faire la transparence. Cette affaire fait polémique dans la classe politique de notre pays et dans l'évidence elle va le faire également à l'étranger. Il faut déterminer les responsabilités de chacun", estime Christophe Vuilleumier mercredi dans La Matinale.

Un impact sur la neutralité?

Grâce à des appareils de chiffrement truqués fournis par Crypto, la CIA américaine et le BND ont pu écouter les conversations de plusieurs Etats étrangers et ce probablement jusqu'en 2018. Plusieurs journaux estiment mercredi que cette révélation met un coup à la neutralité de la Suisse, à sa crédibilité et même à sa souveraineté.

Selon Christophe Vuilleumier, la neutralité de la Suisse a certes joué un rôle, mais elle ne doit pas être contestée. "L'impact sur la neutralité est néant. On peut faire une analogie avec les exportations d'armes. En 2019, la Suisse en a exporté pour un demi-milliard dans un grand nombre de pays étrangers. A fortiori, la neutralité helvétique n'a jamais été remise en question", explique-t-il.

"Il faut distinguer les bons offices de la Suisse sur le plan international, dans la diplomatie, et des affaires de ce type-là. Cette entreprise ne relève pas des autorités helvétiques. La question est de savoir si ces dernières étaient au courant et ont donné leur blanc-seing", précise le spécialiste de l'espionnage.

"Pas très étonnant"

Pour plusieurs partis politiques, une commission d'enquête parlementaire (CEP) est une option pour faire la lumière autour de l'entreprise zougoise. "Je pense que le Conseil fédéral, dans sa composition actuelle, ne savait rien. Qu'en était-il dans les années 1950-1960? Là, c'est une toute autre histoire. Dans les administrations fédérales ou cantonales, il y a plusieurs couches. Ce qui paraissait normal hier a été oublié, et nous n'en avons plus conscience de nos jours jusqu'à ce qu'un scandale éclate", relève Christophe Vuilleumier.

L'historien n'est pas surpris par cette affaire. "Quand on a une entreprise qui fabrique du matériel de renseignement depuis les années 1940, qui a été établie aux Etats-Unis et qui est ensuite venue en Suisse en 1952 en pleine Guerre froide, ce n'est pas très étonnant", signale-t-il avant d'ajouter: "La Suisse appartenait au bloc occidental. C'est une tendance naturelle. Nous avons en Suisse une tradition anti-bolchevique de très longue date."

gma

>> Revoir l'épisode de "La Suisse sous couverture" consacré à Crypto AG :

Les Documentaires de la RTS
Agents infiltrés (1/5) / La Suisse sous couverture / 14 min. / le 18 novembre 2019
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