Kaspar Villiger savait que Crypto AG était une façade pour les services de renseignements étrangers: ce ne sont plus uniquement des rapports de la CIA qui le disent, mais aussi des documents suisses. Viola Amherd aurait livré l'information à ses collègues du Conseil fédéral le 17 décembre dernier.
Dans une note confidentielle interne au gouvernement, l'actuelle ministre de la Défense assure que des documents "indiquent que l'ancien chef du Département militaire fédéral Kaspar Villiger était informé". La conseillère fédérale ne donne aucun autre détail dans cette prise de position et son département n'a fait aucun autre commentaire à ce sujet.
Ces documents ont été retrouvés dans une ancienne archive du Service de renseignement de la Confédération et c'est le chef du SRC en personne Jean-Phillippe Gaudin qui aurait informé la ministre valaisanne de ces nouveaux éléments, selon les journaux Tamedia.
Kaspar Villiger nie à nouveau
Ces nouvelles révélations font vaciller les déclarations de Kaspar Villiger cette semaine, qui a affirmé que les documents de la CIA sur l'affaire Crypto était "complètement erronés" et qu'il n'avait rien su à ce propos quand il dirigeait la Défense helvétique entre 1989 et 1995.
A nouveau interrogé par Tamedia, l'ancien ministre radical, aujourd'hui âgé de 79 ans, nie à nouveau avoir su quoi que ce soit sur les agissements de Crypto. Et d'ajouter: "Je serais aussi intéressé à en savoir davantage plutôt que d'en être réduit à de simples suppositions." Kaspar Villiger précise qu'il collaborera pleinement avec les différents organes chargés d'enquêter sur cette affaire.
Pour le conseiller national PLR valaisan Philippe Nantermod, interrogé samedi dans le 12h30, ce double positionnement est problématique: "Cela montre qu'il y a des gros soucis dans cette affaire. On ne sait pas du tout dans quelle position on se trouve, où est le vrai, où est le faux. (...) Cela justifie que des mesures exceptionnelles soient prises rapidement pour savoir quel a été le rôle de la Suisse dans cette affaire." Il en va à ses yeux de la neutralité et de la souveraineté de la Suisse.
Report de la décision sur une enquête parlementaire
L'affaire a éclaté cette semaine après des révélations de l'émission de SRF Rundschau. Celle-ci a affirmé que la CIA et les services secrets allemands étaient les véritables propriétaires de l’entreprise suisse Crypto AG, spécialisée dans le codage des communications. Une bonne centaine de pays ont utilisé pendant des décennies son matériel fabriqué à Zoug, sans savoir que les machines étaient truquées et que toutes leurs informations cryptées, donc sensibles, étaient écoutées par les Américains et les Allemands.
Une commission d'enquête parlementaire pourrait être ouverte sur cette affaire, mais la décision reste en suspens. Pour Roger Nordmann, président du groupe socialiste aux Chambres fédérales, ces nouvelles révélations ne font que renforcer la nécessité de la créer. "Face au problème pour la crédibilité de la Suisse, pour la dignité de la Suisse, vers l'intérieur mais aussi vers l'extérieur", souligne-t-il dans l'émission Forum, "il faut montrer par un acte fort que l'on veut faire toute la clarté. Et seule la commission d'enquête parlementaire a suffisamment de poids pour obtenir la clarté."
Le Bureau du Conseil national ne tranchera que le 2 mars sur l'initiative parlementaire socialiste qui l'exige. Il veut d'abord entendre le président de la délégation des commissions de gestion et permettre au Conseil fédéral de faire usage de son droit d'être entendu, a indiqué vendredi la présidente de la Chambre du peuple Isabelle Moret (PLR/VD).
Interrogé également dans l'émission Forum, le président du PDC Gerhard Pfister estime qu'il s'agit pour l'heure "de rester calme". Il souligne qu'un premier pas a été franchi avec le rapport demandé par le Conseil fédéral et que la commission parlementaire chargée de ces questions va elle aussi se pencher sur le dossier. "Quand les résultats seront connus, il sera encore temps de discuter pour savoir si les informations sont suffisantes ou si on a encore des questions ouvertes. A ce moment-là, on pourra décider d'une possible commission d'enquête", dit-il.
boi