Le président du CICR Peter Maurer, l'ONG Terre des hommes ainsi que plusieurs instances de l'ONU défendent tous le rapatriement des enfants de djihadistes, avec leurs mères selon les uns, sans elles - s'il le faut - pour les autres. Principale raison invoquée: les conditions de vie déplorables dans les camps tenus par les Kurdes au Nord de la Syrie où s'entassent femmes et enfants étrangers, près de 8000 enfants, dont au moins sept mineurs de nationalité suisse.
Deux tentatives échouées
Leur quotidien se résume à des pénuries de nourriture et d'eau potable, avec un accès très limité aux médecins et à l'éducation. En mars 2019, le Conseil fédéral avait évoqué la possibilité de les rapatrier, sans leur parent. Mais à ce jour, aucun retour n'a été opéré.
Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a indiqué à la RTS avoir examiné deux situations en particulier. Le retour des enfants concernés a cependant échoué, principalement à cause des mères, qui refusent de laisser partir leur progéniture. De plus, les Kurdes n'acceptent pas les séparations, ce qui rend la marge de manoeuvre de la Suisse très étroite.
Problème de droit international
Ce non-rapatriement pose toutefois des questions de droit international. Interviewé dans La Matinale, Jean Zermatten, ancien président du comité des droits de l'enfant de l'ONU et membre du comité de fondation de Terre des Hommes, rappelle que "l'intérêt de l'enfant est le premier grand principe à respecter. Même si les premiers responsables sont toujours les parents, on est dans une situation où les droits de l'enfant ne sont probablement pas respectés, avec des enfants qui sont dans un contexte de radicalisation. Il y a un devoir humanitaire pour l'Etat d'intervenir."
Même si les premiers responsables sont toujours les parents, on est dans une situation où les droits de l'enfant ne sont probablement pas respectés
Cependant, il n'est pas envisagé de mettre en danger du personnel de la Confédération pour aller exfiltrer des enfants dans une zone de guerre, plus spécifiquement dans des camps où la sécurité est particulièrement instable. Jean Zermatten reconnaît que la situation est délicate, mais estime que "le DFAE pourrait par exemple s'approcher de l'ONG Geneva Call, qui a l'habitude de travailler avec des groupes armés non-étatiques, notamment lors des cas de mobilisation d'enfants dans les conflits."
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Sûreté de la Suisse en question
Outre les difficultés pratiques du retour de ces enfants en Suisse, certains membres de l'administration fédérale craignent que ces rapatriements de mineurs potentiellement radicalisés présentent à terme un danger pour la sûreté de l'Etat. Jean Zermatten considère lui aussi qu'"il serait naïf de croire qu'ils n'y a aucun risque si ces enfant reviennent. Mais plus longtemps ils resteront en Syrie, plus ils seront dangereux quand ils reviendront. Il y a un intérêt à les faire revenir."
"Des méthodes existent pour faire sortir ces enfants de la problématique dans laquelle ils sont - le Danemark, la Belgique le font. Je n'aime pas le mot déradicalisation, mais en tout cas, la réinsertion est possible, on sait le faire", conclut Jean Zermatten.
Sujets Radio: Marc Menichini et Julien Bangerter
Adaptation web: Antoine Schaub
>> Voir l'interview intégrale de Jean Zermatten: