Selon le sondage qu'Unia a pu faire auprès de 12'000 travailleurs du secteur de la construction, sept ouvriers sur dix se disent soumis à "davantage de stress". En cause, la pression des délais qui s'accentue.
Ceux-ci sont d'ailleurs qualifiés "d'irréalistes" par plus de huit contremaîtres sur dix.
Un sondage en dessous des réalités
Pour François Clément, membre de la direction nationale pour le Gros oeuvre d'Unia, c'est une "vraie détresse" qu'on voit sortir de ce sondage: "Cette détresse touche d'ailleurs tout le monde, les ouvriers aussi bien que les contremaîtres", estime-t-il mardi dans La Matinale.
Pour celui qui est également responsable santé et sécurité pour Unia, cette enquête est sans doute en deçà des réalités: "On a tendance à minimiser ce genre de situation, notamment les cas de burn out, et à plutôt voir ça comme une pression physique (...) Pourtant, on est dans une pression mentale forte. On demande aux ouvriers de toujours faire plus, plus vite, avec toujours moins de monde. Il faut courir sur les chantiers pour respecter les délais, il faut comprendre l'absurdité d'une telle situation."
Des journées à rallonge
Le syndicaliste évoque aussi des "journées extrêmement longues", notamment en été, où les temps de transport ne sont pas comptés comme du temps de travail: "Si vous devez vous rendre sur un chantier qui est loin du dépôt, vous vous retrouvez à faire des journées de 11 ou 12 heures et évidemment, cela crée une énorme pression".
Et d'ajouter: "C'est aussi une pression sur la vie de famille. Les ouvriers rentrent à la maison, les enfants sont déjà couchés. Les travailleurs mangent rapidement et vont tout de suite au lit car il faut se relever très tôt le lendemain matin pour repartir au travail."
"Un ouvrier meurt toutes les deux semaines"
Si selon les chiffres de l'Office fédéral de la statistique (OFS), les accidents de travail dans le secteur ont diminué, cela ne représente qu'une partie de la réalité selon François Clément.
"Les accidents peu graves diminuent sur les chantiers mais les plus graves et les très graves augmentent. On a encore un ouvrier qui meurt toutes les deux semaines sur les chantiers suisses, c'est beaucoup plus que les autres branches. Et la pression sur les délais rend la situation encore plus difficile", s'insurge-t-il.
A qui la faute ?
Se pose alors la question de la responsabilité. François Clément refuse de pointer du doigt un seul coupable et préfère s'indigner contre un ensemble de procédés.
Et de suggérer quelques pistes qui pourraient alléger ce poids sur les travailleurs du secteur: "Le problème est surtout que les délais sont maintenus. Quoi qu'il se passe, on demande aux ouvriers de rattraper le retard des autres (...) dès qu'il y a un problème de délai, un problème de budget ou de main d'oeuvre, à la fin, c'est toujours les ouvriers sur le terrain qui paient le prix et jamais les gens qui ont pris la décision (...) Il faut demander aux maîtres d'ouvrages de respecter le temps nécessaire à une construction, éviter des amendes s'il y a des retards liés aux intempéries, éviter de faire travailler les samedis ou encore compter les trajets comme du temps de travail."
Et de conclure sur une petite pique à l'encontre des autorités, que ce soit les villes, les cantons ou encore les CFF: "On est choqués quand un maître d'ouvrage public prend la décision de faire des pressions sur les prix et sur les délais. Ils ont un réel devoir d'exemplarité.
Propos recueillis par Romaine Morard
Adaptation web: Tristan Hertig