Les activistes du climat ont encaissé en 2019 450'000 francs de dons au niveau national, a appris la RTS auprès de Julian Seiler, étudiant bernois et trésorier de l'association "Climatestrike Switzerland Finance".
Domiciliée à Berne, cette structure dotée de statuts et d'un comité a dû être créée afin notamment de pouvoir ouvrir un compte en banque.
Les informations financières et les chiffres n'ont toutefois pas été publiés sur les nombreux réseaux de communication du mouvement. Un paradoxe, pour ce collectif qui se veut transparent et participatif.
Confronté aux questions de la RTS depuis plusieurs semaines, le "Groupe de travail Finance" de la Grève du climat a fini par transmettre mercredi un rapport financier.
"Notre mouvement s'est constitué très rapidement, avec des sommes extraordinaires récoltées très vite", explique Kelmy Martinez, trésorier des deux associations vaudoises de la Grève du climat (lire ci-après). "Or, ce sont tous des jeunes bénévoles, amateurs, qui travaillent à côté de leurs études, les ressources étaient donc rares pour publier un rapport de transparence en si peu de temps", fait valoir le trésorier, également membre du comité directeur des Jeunes socialistes vaudois.
Les dépenses 2019 y sont assez bien détaillées, avec deux gros postes budgétaires: 45'000 francs pour payer le transport en train des activistes suisses à un rassemblement européen à Aix-la-Chapelle, et 210'000 francs sont allés à un tout-ménage pro-climat (la "Feuille du climat") distribué lors des élections fédérales.
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Aucun nom de donateur communiqué
En revanche, au chapitre des donateurs, aucun nom - ni de particuliers, ni d'entreprises, ni d'institutions - n'est communiqué dans ce document. La Grève du climat n'a pas exigé la transparence en la matière.
Tout au plus apprend-on dans le rapport que 80% des revenus proviennent de petits dons individuels de moins de 100 francs. Et qu'il y a eu plusieurs gros dons, dont un de 20'000 francs qui provient d'une "grosse organisation de défense du climat en Suisse".
Selon le trésorier Julian Seiler, instaurer la transparence pour les dons dépassant 10'000 francs serait envisagé. Les jeunes activistes s'aligneraient ainsi sur le standard déjà appliqué par exemple par le parti des Verts.
Le canton de Vaud parmi les donateurs
La très active branche vaudoise de la Grève du climat a aussi ses propres caisses, montre par ailleurs l'enquête de la RTS. Deux associations distinctes ont été créées: la première, destinée à financer leur campagne électorale au Conseil d'Etat vaudois, a récolté la somme relativement modeste de 7500 francs.
La seconde a en revanche attiré plus de 210'000 francs pour financer SMILE, la première rencontre européenne des grévistes du climat. L'événement avait eu lieu en août dernier sur le campus de l'Université de Lausanne, avec la militante suédoise Greta Thunberg en guest star.
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Les pouvoirs publics ont alors offert une généreuse aide logistique et matérielle pour accueillir quelque 400 jeunes venus de 37 pays. Mais on ignorait que l'Etat de Vaud avait aussi mis la main au porte-monnaie, à hauteur de 10'000 francs.
Le Service vaudois de la protection de la jeunesse (SPJ) a confirmé à la RTS ce versement accordé dans le cadre de sa politique de soutien aux activités de jeunesse.
Ne faut-il pas y voir une forme de prosélytisme prohibé par le règlement? Il "ne s'agissait pas de soutenir le mouvement 'Grève du climat' mais un événement qui prenait la forme d'un débat démocratique et qui avait lieu pendant les vacances scolaires", a répondu à la RTS le délégué à la Jeunesse, Frédéric Cerchia.
100'000 francs de dons anonymes
D'après les comptes de ce rassemblement fournis par la Grève du climat Vaud, le solde - plus de 110'000 francs - provient de plusieurs fondations privées basées en Suisse, en France et en Allemagne. Greenpeace mais aussi la chaîne internationale de cosmétiques Lush sont cités.
Mais la transparence ne s'applique là encore pas à tous les donateurs. Deux dons importants - un de 80'000 francs et un de 20'000 - équivalant à près de la moitié du budget total apparaissent comme anonymes.
L'argent a essentiellement été utilisé pour financer le déplacement et la nourriture des 400 activistes. Mais les dépenses ont été inférieures aux dons, et l'association SMILE a fait 75'000 francs de bénéfice lors de cet événement.
"Nous avons vérifié les valeurs"
"Nous avons accepté de garantir l'anonymat de ces grands donateurs, car leur contribution était vitale à l'organisation de l'événement. Mais concernant le standard éthique, le contrôle a bien été fait au sein de notre structure pour vérifier que les valeurs de nos donateurs soient en accord avec les nôtres", précise Kelmy Martinez. "Mais nous savons que ce sujet est sensible."
Si certains donateurs font le choix de céder le solde au mouvement, d'autres ont demandé un remboursement proportionnel. C'est ce qu'a fait le canton de Vaud, qui devrait donc récupérer près de 3600 francs sur les 10'000.
Au global, entre l'association nationale et sa branche vaudoise, il reste environ 200'000 francs en caisse.
Ludovic Rocchi / ptur