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Discussions secrètes en Suisse sur le sort des combattants européens et suisses du groupe Etat islamique

Une délégation arabo-kurde pour juger les combattants européens de l'Etat islamique (vidéo)
Une délégation arabo-kurde pour juger les combattants européens de l'Etat islamique (vidéo) / La Matinale / 3 min. / le 2 mars 2020
Des discussions secrètes se sont tenues il y a quelques jours en Suisse entre une délégation arabo-kurde et des représentants de plusieurs pays européens, dont la Suisse, sur le sort des présumés combattants européens du groupe Etat islamique et celui de leurs familles, a appris la RTS.

Cette rencontre s'est tenue il y a quelques jours en Suisse romande dans des lieux tenus secrets pour des raisons de sécurité, une délégation composée de représentants de l'administration autonome du nord-est de la Syrie et des Forces démocratiques syriennes, avait fait le déplacement. En clair, les deux entités gèrent pour l’une, contrôlent pour l’autre, le nord du territoire syrien. Elles gardent aussi en détention plusieurs centaines de présumés combattants européens de l'Etat islamique et leurs familles.

Parmi eux, quelques ressortissants suisses. Autant de personnes que les pays européens, y compris la Confédération, ne veulent pas rapatrier.

Vers un jugement sur le territoire kurde autonome

Ce rejet des rapatriements motive aujourd'hui les Kurdes à vouloir les juger eux-mêmes. Les Kurdes sont en tournée diplomatique pour présenter leurs nouvelles intentions: Finlande, Suède, Norvège, Belgique, et maintenant la Suisse.

Badran Ciya Kurd, co-président adjoint du comité exécutif de l'administration autonome du nord-est syrien, indique dans La Matinale avoir un "projet global pour tous les combattants de l'Etat islamique, ils sont environ 2000, qui viennent de pays étrangers". Et de poursuivre: "Nous voulons les juger tous sur notre territoire autonome. C’est pourquoi nous avons besoin du soutien des pays européens, au niveau légal, logistique et financier, pour que nous puissions mener chez nous des procès justes et équitables contre ces gens-là."

Prise en charge et déradicalisation

Ces procès concerneront des hommes mais aussi des femmes, a priori les plus radicalisées d'entre elles. Concernant les autres femmes européennes détenues sur place, ainsi que les enfants de ces parents liés au groupe Etat islamique, les autorités arabo-kurdes ont de nouveaux objectifs.

"Nous avons un autre projet concernant certaines femmes et les enfants des combattants de Daech", explique Badran Ciya Kurd. "Nous souhaitons les prendre en charge sur place et les déradicaliser. Il faut que tout le monde soutienne ce projet-là et surtout les pays européens. Chacun doit prendre ses responsabilités et donc soutenir notre autorité."

Autorités suisses représentées

En plus des diplomates européens présents en Suisse lors de ces discussions, plusieurs départements fédéraux étaient aussi représentés. Le Département des affaires étrangères, le Département de la défense et celui de Justice et police y ont participé, a appris la RTS, pour s'informer comme leurs homologues, puisque trois djihadistes présumés suisse pourraient être jugés par ces tribunaux kurdes.

Ces discussions confidentielles auraient aussi permis de faire le point sur la question du rapatriement de certains enfants ayant le passeport à croix blanche qui se trouvent toujours dans le nord de la Syrie.

>> Voir aussi l'interview de l'avocat Philippe Currat dans Forum :

Qui jugera les djihadistes détenus dans le nord de la Syrie? Interview de Philippe Currat
Qui jugera les djihadistes détenus dans le nord de la Syrie? Interview de Philippe Currat / Forum / 7 min. / le 21 février 2020

Un retour encore lointain

Il est encore beaucoup trop tôt pour estimer si l'on se rapproche d'un retour pour toutes les personnes détenues dans le nord-est de la Syrie. Le nouveau dispositif présenté par les Kurdes devra être analysé à Berne.

Pour l'heure, le DFAE ne fait aucun commentaire. Il ne confirme pas non plus ses récentes discussions avec la délégation arabo-kurde. La politique de non-rapatriement des adultes reste la priorité, selon une porte parole du DFAE.

De toute évidence, c'est discrétion absolue sur tout ce dossier, certainement aussi pour ne pas donner l’impression d’une reconnaissance par la Suisse de cette autorité arabo-kurde.

Marc Menichini/ebz

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