Quelle mobilité pour demain?

Grand Format

Keystone - Salvatore Di Nolfi

Introduction

Chaque jour, les Suisses passent en moyenne 90 minutes dans les transports, d'après les derniers chiffres de l'Office fédéral de la statistique. Les loisirs constituent le principal motif de déplacement (avec 45 minutes de trajets quotidiens), devant le travail (17 minutes) et les achats (13 minutes).

Les modes de transport évoluent et la mobilité douce gagne peu à peu du terrain. La voiture individuelle reste cependant toujours largement en tête. Elle représente à elle seule 71% des kilomètres parcourus par les Suisses chaque année.

Voitures électriques, cohabitation entre usagers ou encore véhicules autonomes, retrouvez nos reportages et éclairages sur la mobilité de demain.

Volet 1
En matière de mobilité, "les Suisses ne sont pas des modèles"

RTS

"La Suisse a les moyens d'être un modèle en matière de mobilité. En revanche, les Suisses ne sont pas des modèles", affirme Sébastien Munafò, directeur de la filiale suisse de 6-t, un bureau d'études spécialisé sur la mobilité.

Chaque Suisse parcourt chaque année plus de 25'000 kilomètres. Ces déplacements sont effectués en majorité avec des moyens de transport très polluants: la voiture et l'avion. La Confédération estime à 13 milliards de francs le coût global de ces nuisances.

Secteur aérien mis à part, c'est la voiture qui domine largement la mobilité des résidents suisses:

Une politique onéreuse pour la collectivité

"Le réseau de transports publics suisse est excellent", souligne Sébastien Munafò. Mais le problème est que les Suisses ne l'utilisent que pour les trajets du domicile au travail. Les loisirs, qui constituent pourtant le premier motif de déplacement, s'effectuent généralement en voiture. "On utilise les deux, mais on n'a pas remplacé l'un par l'autre. On a donc une politique des transports qui coûte très cher à la collectivité, tant pour les infrastructures routières que pour les infrastructures ferroviaires et de transport public. Il faudra faire un choix", estime le spécialiste.

Un autre choix à faire, celui des moyens de transport à favoriser dans les villes. Entre les voitures, trams, bus, vélos et autres trottinettes, l'idéal n'est peut-être pas de les faire cohabiter, mais plutôt de les hiérarchiser, observe Sébastien Munafò. "Plus les modes de transport génèrent de nuisances, moins ils devraient avoir de place. Or, en ville, la place accordée à la mobilité douce est encore trop réduite par rapport aux gros avantages que ces moyens de transport représentent."

Encore très loin du tout électrique

Arrivera-t-on un jour au tout électrique? Il le faudra bien, pense Sébastien Munafò. Ces véhicules sont les plus vertueux, y compris lorsque l'on prend en compte la fabrication et le recyclage des batteries.

"Si l'on veut atteindre les objectifs fixés pour la réduction de l'émission de gaz à effet de serre, il faudra passer par une motorisation électrique massive. Soit environ 65-70% du parc automobile à l'horizon 2040. Or, aujourd'hui on est plutôt à 1% donc on en est encore loin".

Sébastien Munafò ne croit toutefois pas que l'on verra un jour nos villes sans voiture. En revanche, il prédit déjà une réduction drastique de leur utilisation. Une réduction amorcée depuis quelques années dans les centres compacts de certaines agglomérations, grâce notamment à la diminution du nombre de places de stationnements. Ce levier "très efficace" pour changer les comportements.

>> Voir l'interview de Sébastien Munafò en intégral :

Interview de Sébastien Munafò
L'actu en vidéo - Publié le 6 mars 2020

Volet 2
L'automobile en pleine transition électrique

AFP - Ronny Hartmann

Longtemps, les constructeurs automobiles ont parié sur l'échec du virage électrique. Mais aujourd'hui, plus possible de nier l'évidence: Tesla pèse autant que Fiat Chrysler, Ford et General Motors réunis. En Chine, les usines de la firme californienne propriété du milliardaire Elon Musk produisent bien plus que ce qu'attendait le marché. Une firme qui vise en même temps l'Europe, défiant l'industrie automobile allemande sur ses propres terres.

A l'est de Berlin, Tesla est en train de construire une "Gigafactory" qui devrait employer jusqu'à 12'000 personnes à partir de 2021. De là, la firme américaine inondera le marché européen de sa "Model 3". Importée actuellement des Etats-Unis en nombre limité, elle fait déjà la course en tête des ventes électriques sur le Vieux Continent.

L'exemple de Volkswagen

A quelque 300 kilomètres au sud de là, dans son usine de Zwickau, Volkswagen réplique. Défiée et plombée par le "dieselgate", la marque allemande transforme ses chaînes de production. Jusqu'ici, elle y produisait 300'000 voitures diesel et à essence chaque année.

Dès 2021, plus de 330'000 véhicules 100% électriques, dont l'ID.3 et d'autres modèles encore non-dévoilés, y seront fabriqués. Cette année déjà, ils seront 100'000 à sortir des hangars. Le montant de l'investissement pour faire du site de Zwickau la première usine européenne de production de masse de voitures électriques s'élève à 1,2 milliard d'euros.

Volkswagen parie sur l'avenir, car pour l'heure, le constructeur allemand produit les modèles ID.3 à perte: "Nous avons encore besoin des ventes de voitures thermiques pour financer le développement de l'électromobilité. Mais, étape par étape, la production de voitures électriques augmentera tout comme leur rentabilité", explique Reinhard De Vries, directeur technique chez Volkswagen Sachsen.

Plus de 170 modèles électriques en 2025

L'exemple de Zwickau le prouve, l'industrie automobile est en pleine bascule. Les constructeurs prévoient la sortie de 33 nouveaux modèles 100% électriques d'ici à fin 2020, portant ainsi leur nombre à 72. C'est près du double qu'en 2019.

Fer de lance de cette évolution, Volkswagen proposera d'ici la fin de l'année un total de 15 modèles dans son catalogue, devant Peugeot-Citroën-Opel (11) et Daimler (9).

A l'horizon 2025, plus de 170 modèles sont annoncés sur le marché avec 47 d'entre eux rien que pour Volkswagen, comme le montre le graphique ci-dessous.

D'après un récent rapport de la Fédération européenne pour le transport et l'environnement, l'Allemagne, la France, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni produiront dans cinq ans près de 85% des voitures électriques sur le continent européen. Ces pays devraient aussi devenir les plus gros marchés pour de tels véhicules dans le futur.

>> Voir le reportage du 19h30 :

L'offre de voitures 100% électriques pourrait doubler cette année.
19h30 - Publié le 2 mars 2020

Volet 3
Des applications mobiles qui favorisent la multimodalité

Keystone - Alessandro della Valle

Comment éviter les bouchons dans ses déplacements? Bus, vélo, train et même voiture. La solution est très souvent la multimodalité, ou la combinaison de plusieurs moyens de transports.

Selon les derniers chiffres disponibles de l'Office fédéral de la statistique, 43,8% des Suisses utilisent encore uniquement la voiture pour leurs déplacements. Combiner plusieurs moyens de transports demeure compliqué pour de nombreux automobilistes.

Pour pallier ce problème, les CFF ont mis sur pied un laboratoire d'une cinquantaine de personnes. Le but? Réfléchir aux déplacements de demain. "La mobilité va changer, dans le sens où elle va notablement augmenter. Nous tous, en Suisse, allons nous déplacer davantage au cours des prochaines décennies. Et il est clair que nous touchons aux limites des infrastructures", note Björn Bender, responsable du département "Nouvelles mobilités" aux CFF.

Bientôt une nouvelle application en français

Précurseurs, les CFF avaient lancé l'application mobile "Mon Voyage" il y a cinq ans en collaboration avec CarPostal. L'application s'est depuis transformée en "SmartWay", un outil qui donne un aperçu simple et rapide de tous les moyens de transport disponibles et leurs prix pour se rendre d'un point A à un point B. Il est également possible d'y coupler ses abonnements en transports publics. Pour l'heure, seules les versions allemandes et anglaises sont disponibles. Les traductions françaises et italiennes suivront ce printemps 2020.

Du côté du Léman, les Transports publics genevois (tpg) et les Transports publics de la région lausannoise (tl) proposent zenGo, un abonnement mensuel qui permet de combiner transports publics, taxis, voitures de location ou encore vélos en libre-service.

>> Voir le reportage du 19h30 :

De plus en plus de Suisses recourent à des applications pour combiner leurs moyens de transports sur le chemin du travail.
19h30 - Publié le 3 mars 2020

Volet 4
Vers une meilleure cohabitation entre les usagers en ville

Keystone - Laurent Gillieron

Les villes suisses comptent de plus en plus d'habitants. Et qui dit augmentation de la population urbaine, dit aussi circulation de plus en plus infernale dans les centres-villes.

A Lausanne, la cohabitation entre les différents utilisateurs de l'espace public est un enjeu majeur depuis plusieurs années, comme l'explique Florence Germond, conseillère municipale en charge des finances et de la mobilité: "Notre volonté est clairement de redonner la ville à l'humain. On aimerait passer d'une ville qui est pensée pour les voitures à une ville qui est plus pensée pour ses habitants".

Pour y parvenir, des zones modérées (30 km/h) et des zones de rencontre (20 km/h) ont été aménagées. La mobilité douce est particulièrement valorisée dans ces espaces qui représentent aujourd'hui près de la moitié du réseau urbain.

Les zones à 30km/h et zones de rencontre en ville de Lausanne. [. - DR]
Les zones à 30km-h et zones de rencontre en ville de Lausanne. [. - DR]

"Nous travaillons sur une véritable identité de la zone de rencontre, précise Florence Germond. Pour y parvenir, nous allons y apposer un revêtement clair, végétaliser les extrémités et placer des assises sur tout l'espace. Le but est de montrer que l'automobile est accepté, mais que les piétons sont prioritaires".

Trafic motorisé en baisse

A Lausanne, améliorer la cohabitation passe aussi par une meilleure information. Une centaine de pictogrammes est ainsi apparue sur les sols du centre-ville. Dorénavant, des itinéraires en-dehors de axes principaux sont aussi proposés aux cyclistes.

Mais le chef-lieu vaudois va encore plus loin en travaillant sur un projet de voie verte qui traversera la ville d'est en ouest. Sur les portions existantes, "on a déjà plus de 1000 utilisateurs par jour, dont 70% de piétons et zéro plainte", relate Pierre Corajoud, délégué piétons auprès de la commune.

Le projet de voie verte d'agglomération à Lausanne. [. - DR]
Le projet de voie verte d'agglomération à Lausanne. [. - DR]

Les efforts de la Ville de Lausanne semblent déjà porter leurs fruits. Depuis 2016, le nombre de cyclistes a augmenté de 54%. Le trafic motorisé a pour sa part diminué de 2,4%.

>> Voir le reportage du 19h30 :

Lausanne face au défi de la cohabitation des modes de mobilité.
19h30 - Publié le 4 mars 2020

Volet 5
Le permis de conduire chez les jeunes, d'abord par nécessité

Keystone - Christian Beutler

Julie Voélin habite à Reconvilier, dans le Jura bernois, et étudie à l'Université de Neuchâtel. Elle effectue plusieurs fois par semaine ce trajet d'une durée d'une heure trente. Âgée de 22 ans, l'étudiante ne possède pas le permis de conduire. Selon elle, il s'agit d'un choix délibéré: "Il y a notamment les coûts. Pourquoi dépenser l'argent que je gagne à côté de mes études? Il y a également une raison écologique, j'essaie de rester dans la démarche la plus verte possible".

A quelques dizaines de kilomètres de là, dans le canton du Jura, la donne est complètement différente pour Luna Voillat. Elle n'a pas encore 19 ans et a déjà accumulé plus de dix heures d'auto-école. La jeune femme veut son permis au plus vite. "Je travaille dans un foyer pour personnes handicapées. Et dans toutes les offres d'emploi, le permis de conduire est exigé. C'est donc une nécessité pour mon métier", explique-t-elle.

Passage de permis plus tardif

En ville, les moniteurs forment moins de jeunes conducteurs qu'auparavant. Mais la voiture reste une réalité bien ancrée dans les régions plus périphériques.

Sur l'ensemble du pays, les jeunes entre 18 et 24 ans sont toujours les plus nombreux chez les nouveaux conducteurs. Ils étaient 67'366 à avoir passé leur permis en 2018, un chiffre pourtant en baisse de 5,7% par rapport à 2016. La tendance est par contre en légère hausse (+3,4%) chez les 25-44 ans. En 2018, l'Office fédéral des routes a recensé 14'500 nouveaux conducteurs. Les Suisses passent ainsi toujours autant leur permis, mais plus tard qu'auparavant.

"Il est clair qu'avec l'arrivée des enfants ou l'entrée dans la vie active, de nouvelles aspirations résidentielles émergent. On veut du calme et une surface plus importante. Cela amène à des localisations plutôt rurales. Un usage de la voiture s'impose de manière plus forte", analyse Emmanuel Ravalet, chef de projet auprès du bureau d'étude Mobil'homme.

La voiture individuelle a donc encore de beaux jours devant elle en Suisse.

>> Voir le reportage du 19h30 :

Mobilité: le permis de conduire séduit toujours les jeunes, mais un peu moins qu'auparavant
19h30 - Publié le 5 mars 2020

Volet 6
Dans l'attente de la voiture sans conducteur

Keystone - Sedrik Nemeth

S'amuser à conduire, sans les mains. C'était jusqu'à hier un simple jeu d'enfants. Demain, cela sera réellement possible même en Suisse. L'horizon temporel n'est pas défini, mais la voiture autonome arrivera tôt ou tard.

La Confédération définit à l'heure actuelle six niveaux d'assistance à la conduite:

- Niveau 0: absence totale d'automatisation

- Niveau 1: assistance à la conduite (le conducteur assure soit le guidage longitudinal, soit le guidage transversal)

- Niveau 2: automatisation partielle (le conducteur doit surveiller le système en permanence)

- Niveau 3: automatisation conditionnelle (le conducteur doit être capable de reprendre le contrôle du véhicule sur demande)

- Niveau 4: automatisation élevée (dans certaines conditions, le véhicule n'a plus besoin de conducteur)

- Niveau 5: automatisation complète (du départ à l'arrivée, le véhicule n'a plus besoin de conducteur)

La Suisse est le premier pays au monde à redéfinir ses bases légales pour appréhender les voitures autonomes. Au plan législatif, la Confédération prépare l'arrivée sur les routes des voitures de niveau 3, qui roulent déjà aux Etats-Unis. De tels véhicules circulent de façon complètement indépendante, par exemple sur l'autoroute, pour autant que le conducteur soit capable de prendre le relais rapidement.

Importance de la réglementation

La voiture totalement autonome n'est pas sans poser de nombreuses questions juridiques et éthiques, notamment en termes de protection des données. "Il est important de se poser des questions comme: qu'est-ce que cela veut dire de lâcher le volant? Est-ce que cette voiture est fiable? Qui est responsable s'il arrive quelque chose? Ce n'est donc pas que de la technique. La société doit se poser des questions civiques aussi", explique Fabienne Perret, responsable du département des transports chez EBP Suisse.

Quand les voitures autonomes envahiront-elles les routes helvétiques? "On parle de 2030, 2040 ou 2050. Les experts ne sont pas tous d'accord", indique Tobias Arnold, politologue auprès du bureau d'études Interface. Mais un élément est toutefois certain, le rôle de la réglementation étatique sera central.

>> Voir le reportage du 19h30 :

La Suisse est le premier pays au monde à redéfinir ses bases légales pour appréhender les voitures autonomes.
19h30 - Publié le 6 mars 2020