L’autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération (AS-MPC) a clos l’enquête disciplinaire concernant Michael Lauber, en arrivant à la conclusion que le procureur général a contrevenu à plusieurs devoirs de fonction.
À plusieurs reprises, le magistrat n’a pas dit la vérité, a agi de manière déloyale, a violé le Code de conduite du Ministère public de la Confédération (MPC) et a entravé l’enquête, indique mercredi l'autorité de surveillance dans un communiqué. En outre, le procureur général ne voit pas en quoi ses agissements sont problématiques et fait preuve d’une mauvaise compréhension de sa profession.
Salaire réduit de 8%
La somme des manquements à ses obligations est conséquente, estime l'autorité de surveillance qui lui inflige une réduction de salaire de 8% pour une durée d’un an au titre de sanction disciplinaire. Cette réduction représente une somme de 23'827 francs, correspondant à 8% de son traitement de 297'844 francs. La réduction de salaire maximale possible s'élève à 10%.
Le Soleurois de 53 ans peut désormais déposer un recours auprès du Tribunal administratif fédéral.
Magistrat controversé
Le 9 mai 2019, l'AS-MPC a ouvert une procédure disciplinaire contre Michael Lauber. L'enquête a porté sur les rencontres non protocolées entre le procureur général et le président de la FIFA Gianni Infantino, en marge des procédures menées par le MPC contre d'anciens hauts responsables des instances footballistiques.
Pour rappel, le magistrat controversé a été réélu de justesse en septembre 2019 pour un troisième mandat à la tête du MPC. L'Assemblée fédérale l'a reconduit à son poste par 129 voix sur 243 bulletins valables.
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Des termes "sévères" et qui "laissent songeurs"
Face au rapport accablant de l'Autorité de surveillance, le conseiller national PLR Christian Lüscher convient que "les termes utilisés sont très sévères et qu'ils laissent songeur".
Interrogé dans Forum, le Genevois rappelle cependant que l'un des deux aspects de cette décision était connu de la commission judiciaire, et donc de l'Assemblée fédérale lorsqu'elle a réélu Michael Lauber: "Ce sont ces fameuses réunions avec la FIFA dont une avait été oubliée par le procureur général (…), ce qui lui est reproché dans cette décision".
Mais le conseiller national souligne qu'un nouvel aspect est apparu, qui est une sorte d'entrave à l'enquête au moyen d'effets déloyaux. "C'est très dur", dit-il. "Vous reconnaîtrez à l'Assemblée fédérale le fait de ne pas avoir pu tenir compte d'éléments qui sont ultérieurs à cette élection [de Michael Lauber]."
Le Genevois concède que les résultats de cette enquête disciplinaire représentent un coup dur. "Oui, cette décision n'est pas bonne pour la crédibilité des institutions", estime-t-il tout en rappelant qu'il existe néanmoins des règles de droit qui s'appliquent à tout le monde.
Trop tôt pour évoquer la démission du procureur
Sur la question - qui se pose à nouveau - d'une démission de Michael Lauber, Christian Lüscher constate "qu'il y a eu un changement d'environnement ou d'atmosphère, dans cette affaire" (…) Si les termes de cette décision sont confirmés par le Tribunal administratif fédéral, il faudra qu'on ait une discussion très sérieuse avec Monsieur Lauber. Et lui, il faudra qu'il prenne ses responsabilités. Mais on n'en est pas encore là du tout."
Au Parlement, l'enquête de la commission de gestion est toujours en cours. Ses membres soumettront ensuite leurs recommandations à la commission judiciaire.
vkiss/hend
"La crédibilité des institutions est terriblement entachée"
La conseillère nationale verte vaudoise Léonore Porchet, nouvellement membre de la commission judiciaire compétente pour préparer l'élection et la révocation des juges des tribunaux fédéraux et du procureur général de la Confédération, a dit espérer que l'instance se ressaisisse de l'affaire. "Je ne vois pas comment on pourra siéger, la prochaine fois qu'on se voit, sans jamais parler du fait que le procureur de la Confédération est sanctionné pour mensonges dans une affaire de corruption avec la FIFA, qui, en plus, ne peut pas être considérée comme une entreprise particulièrement rassurante", a-t-elle déclaré jeudi, invitée dans La Matinale de la RTS.
"Michael Lauber a été élu à sept voix près, c'était déjà pas terrible en septembre dernier. Maintenant, je ne vois pas comment l'Assemblée fédérale, s'il y avait une nouvelle votation, pourrait le réélire. J'entends beaucoup d'appels à la démission. Même ses plus fervents défenseurs disent que la donne a changé. Je ressens une interrogation, du 'où s'est-on plantés en septembre'", rapporte Léonore Porchet, interrogée sur l'ambiance à Berne.
Elle estime la crédibilité des institutions "terriblement entachée". "En tant que citoyen ou citoyenne, on ne peut pas accepter que notre procureur soit accusé de tels faits et sanctionné par son autorité de surveillance", juge l'élue vaudoise.
Ecouter son interview:
Propos recueillis par Romaine Morard
Adaptation web: Vincent Cherpillod
Décision "pas définitive"
L'intéressé peut déposer recours auprès du Tribunal administratif fédéral dans un délai de 30 jours. Le service de communication du MPC estime que la décision de l'autorité de surveillance ne constitue pas "une décision définitive" et doit être soumise à examen. Il ajoute que Michael Lauber et ses défenseurs se réservent d'autres actions judiciaires.