Une part de 11% en achètent régulièrement et 76% y recourent
occasionnellement. Depuis sa création en 1981, le Bourgeon de Bio
Suisse a symbolisé la défense du sol puis celle des animaux de
rente. Mais pour se trouver un second souffle, il doit faire valoir
ses atouts en matière de santé et d'éthique, estiment les experts.
Le Bourgeon a conquis 10,5% de la surface agricole de la Suisse et
plus de 6100 exploitations paysannes en 25 ans.
Le boom du bio
Le Bourgeon a pris un départ laborieux avant de vivre un
véritable boom à la fin des années nonante. La machine s'est un peu
emballée et il y a désormais trop de lait et trop de viande bio sur
le marché helvétique. Les prix sont en train de baisser et le
nombre d'exploitations stagne depuis 2005.
La production s'est développée plus vite que le marché intérieur,
analyse le directeur de l'Association suisse des organisations
d'agriculture biologique (Bio Suisse) Markus Arbenz, interrogé par
l'ATS. Mais il n'y a pas saturation et les prix ne sont pas trop
hauts, affirme-t-il, prenant le contre-pied de l'Union suisse des
paysans et évoquant aussi la possibilité d'exporter les produits
biologiques suisses (lire ci-contre).
Des consommateurs exigeants
Le bio souffre de son image dogmatique, une peu froide et
technique. Le Bourgeon doit mieux coller aux besoins du
consommateur et de la société, estime le spécialiste. Car les
attentes ne s'arrêtent pas au respect de l'environnement et des
animaux, confirme la présidente de la Fédération romande des
consommateurs, Monika Dusong.
Pour accepter de payer plus, le consommateur veut non seulement un
produit plus savoureux, mais aussi plus sain, plus sûr et qui
présente un meilleur bilan écologique. L'ancienne conseillère
d'Etat neuchâteloise ne doute pas de l'avenir du bio. Dans l'idéal,
ce mode de production devrait même devenir le standard en Suisse,
selon elle. Mais le Bourgeon doit gagner la confiance du
consommateur perdu dans la jungle des labels.
Une image à peaufiner
Qui dans le grand public sait par exemple que le programme
«Engagement» de Migros est contrôlé par le Bourgeon ou que la
marque «Naturaplan» de Coop ne correspond pas forcément aux
exigences de l'agriculture biologique ?, se demande Monika Dusong.
De plus, la déclaration des produits bio devrait indiquer, outre
l'origine du produit, les teneurs en sel, en graisses et en sucre,
afin de répondre aux critères de santé publique. D'autant que 43 %
du marché du Bourgeon sont constitués de produits
transformés.
Sur le modèle de Max Havelar, Bio Suisse a adopté récemment des
normes sociales de production. Une nécessité après le scandale
d'ouvriers agricoles réduits à l'esclavage en Espagne. Mme Dusong
rêve d'un label unifié qui s'appuie sur les ordonnances fédérales
sur l'agriculture biologique. L'estampille bio regrouperait
l'ensemble des critères de durabilité.
Une éthique à développer
Le paysan-fromager de Montfaucon (JU) Bernard Froidevaux,
pionnier de l'agriculture biologique dans l'arc jurassien, abonde
dans ce sens. Les producteurs doivent se réapproprier le Bourgeon
afin de préserver et renforcer sa crédibilité. «On oublie notre
vieil idéal. Les valeurs éthiques sont négligées, les animaux ne
sont pas respectés dans les transports», met en garde ce convaincu
de la première heure.
L'agriculture biologique, c'est un état d'esprit, fait de liberté
et de chaleur humaine, poursuit le pionnier de 52 ans. Il avoue que
le courant ne passe pas toujours bien entre les producteurs romands
et la centrale de Bio Suisse, jugée parfois technocratique. Réunis
le 16 juillet dernier à Mûr (FR), les paysans bio habitant ce
côté-ci de la Sarine ont demandé à Bio Suisse de créer un poste de
médiateur. Pour mettre de l'huile dans les rouages entre les
structures de l'association et le terrain.
ats/hof
Marché bio de Saignelégier
En septembre, lors du week-end du Jeûne fédéral, les producteurs de l'arc jurassien, réunis sous l'égide de Bio Jura, organiseront leur traditionnel marché à Saignelégier (voir vidéo d'archive).
Bio Jura lance en outre 2006 le concept «Saveurs de saison», panier de légumes et produits de saison qui parviendra au consommateur une ou deux fois par année (voir vidéo d'archive).
L'association a notamment réussi à introduire des cours facultatifs d'agriculture biologique dans les écoles d'agriculture. Une initiative qui rejoint le projet de Bio Suisse de créer une formation professionnelle de «paysan bio».
Anti-bio, l'exportation est-elle la solution ?
Exportation: le mot est lâché. Le directeur de Bio Suisse Markus Arbenz sait qu'il sonne comme une provocation pour les puristes du Bourgeon. Il propose donc de lorgner par dessus la frontière sans peser sur l'environnement par de longs transports.
La vente directe à la ferme fait partie de l'image d'Epinal du bio. Mais elle reste inaccessible pour les nombreux citadins qui font le succès du bio en Suisse en s'approvisionnant dans les grandes surfaces.
L'exportation pourrait, dans 10 à 20 ans, devenir un réel débouché pour les producteurs bio helvétiques. Les prix à la production du bio en Suisse sont concurrentiels avec ceux de l'UE, estime-t-il. Ce qui n'est pas le cas pour l'essentiel des autres produits agricoles.
L'un des enjeux pour Markus Arbenz est de convaincre les grandes marques, comme Emmi, de miser sur le bio pour s'assurer une meilleure pénétration du marché européen. La présidente de la FRC Monika Dusong souligne qu'il y a des marchés intéressants aux frontières même si la concurrence y est très forte.