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Les services de soins intensifs seront bientôt mis à rude épreuve

Les services de soins intensifs des hôpitaux sont sous pression dans toute la Suisse.
Les services de soins intensifs des hôpitaux sont sous pression dans toute la Suisse. / 19h30 / 2 min. / le 13 mars 2020
Tous les hôpitaux de Suisse sont à pied d'oeuvre et s'organisent pour libérer des lits et des respirateurs artificiels aux personnes atteintes du coronavirus. Les opérations non urgentes sont retardées. Mais le plus grand défi réside dans la disponibilité des ressources humaines.

Les services de soins intensifs seront mis à rude épreuve ces prochains jours. Le nombre de personnes affectées par le coronavirus ne cesse d'augmenter. La Suisse compte désormais (vendredi 13 mars) 1125 personnes testées positives, soit une hausse de près de 500 cas en 48 heures.

La Société suisse de médecine intensive (SSMI) estime que 15 à 20% des personnes infectées par le coronavirus doivent être hospitalisées. La moitié des cas, soit 5 à 10% des patients, nécessitent un traitement dans une unité de soins intensifs ou de soins intermédiaires.

Les hôpitaux suisses ont-ils les ressources pour faire face à une telle pandémie? Se dirige-t-on vers un scénario à l'italienne? Difficile pour l'instant d'obtenir des données précises auprès de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP).

Dans son ordonnance publiée vendredi, le Conseil fédéral exige des cantons qu'ils communiquent les différents taux d'occupation et la disponibilité du matériel.

Nombre de ventilateurs limités

Selon Thierry Fumeaux, président de la SSMI, les capacités techniques des hôpitaux suisses ne seront pas un problème. Il existe 82 unités de soins intensifs dans le pays. Celles-ci comptent actuellement 850 lits pour les patients adultes, dont environ 750 sont équipés d'un ventilateur permettant de prendre en charge des patients avec une infection sévère.

Le nombre de lits peut fluctuer. Selon Gundekar Giebel, porte-parole de la Direction de la santé du canton de Berne, les hôpitaux du canton ont la capacité de doubler les lits en soins intensifs, sans toutefois donner de nombre précis de places disponibles.

Outre les lits, c'est le nombre de respirateurs qui sera déterminant durant cette pandémie, dont le virus affecte principalement les voies respiratoires. S'il est facile d'augmenter le nombre de lits, il n'en va pas de même pour le nombre de respirateurs artificiels.

Les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) en possèdent "une centaine". Les cantons de Fribourg, Valais et Jura en possèdent une vingtaine chacun. Le CHUV dispose quant à lui de 130 respirateurs. "Si l'on se base sur la situation en Lombardie, les équipements dont nous disposons sont largement suffisants pour faire face à un afflux important de patients", affirme Rachel Perret, une porte-parole.

>> Interview de Laurent Kaiser, chef du Service des maladies infectieuses des HUG :

Laurent Kaiser, chef du Service des maladies infectieuses des HUG, décrypte l'efficacité des mesures pour limiter la propagation du Covid-19.
Laurent Kaiser, chef du Service des maladies infectieuses des HUG, décrypte l'efficacité des mesures pour limiter la propagation du Covid-19. / 19h30 / 4 min. / le 13 mars 2020

L'armée, quant à elle, dispose d'une centaine de systèmes de surveillance, "qui sont utilisés en première ligne par l'armée elle-même mais peuvent aussi être mis à disposition de la santé publique", selon Delphine Allemand, porte-parole de l'armée.

Crainte d'un manque de ressources humaines

"Actuellement, nous ne sommes pas débordés", rassure Thierry Fumeaux, président de la SSMI. Selon lui, notre pays est bien organisé du point de vue de la surface et du matériel. "Ce ne sont pas des ressources infinies, mais je pense que l'on peut monter en puissance. Mais à la fin, ce ne sont pas les lits ou le matériel qui vont compter, ce sont les ressources humaines. Les patients doivent être pris en charge par des équipes formées et compétentes. Et c'est là que probablement on risque d'avoir le plus de problèmes dans les semaines à venir", craint-il.

>> Reportage au sein de l'Hôpital fribourgeois (HFR) :

Les hôpitaux se préparent à accueillir les vagues de patients touchés par le coronavirus. Reportage au HFR.
Les hôpitaux se préparent à accueillir les vagues de patients touchés par le coronavirus. Reportage au HFR. / 19h30 / 2 min. / le 13 mars 2020

Observant ce qui se passe en Italie du Nord, avec des soignants fatigués et eux-mêmes infectés, Thierry Fumeaux anticipe déjà qu'il faudra mettre toutes les ressources du pays au service des patients qui vont arriver dans les hôpitaux. Et même au-delà: "Il faudra probablement faire des redistributions de personnel, faire appel peut-être à des gens en formation, à des gens à la retraite, à des gens du service civil ou éventuellement même à du personnel de l'armée." Le cas échéant, ces dernières mesures devraient toutefois être prises par les autorités fédérales, et non par la SSMI.

L'évolution de ces prochains jours dans les hôpitaux dépendra aussi d'éléments difficiles à planifier, comme par exemple l'efficacité des mesures proposées par le Conseil fédéral.

>> Lire sur ce sujet : Ecoles fermées, réunions de plus de 100 personnes interdites: la Suisse durcit ses mesures

"Sur une échelle de 1 à 10, on est à 2"

Reste que tous les lits des soins intensifs ne peuvent être réservés aux patients affectés par le coronavirus. A l'instar des HUG, dont le chef du Service de soins intensifs, Jérôme Pugin, affirme être aujourd'hui en capacité complète. "Nos lits sont occupés par une minorité de patients positifs au coronavirus". Mais ce dernier rassure: "Nous avons le plan de pouvoir monter en puissance et de pouvoir doubler notre capacité d'accueil avec un afflux qui serait massif de patients graves avec le coronavirus".

Quant au personnel soignant, il travaille déjà ce vendredi à flux tendu. Car une partie des ressources, notamment celle des cadres, est dérivée vers la montée en puissance et la planification de ce qui pourrait arriver.

"Aujourd'hui, sur une échelle de 1 à 10 dans la gravité de la situation, on se situe à 2. Mais cela va augmenter, on en est certain. On est obligés d'envisager tous les scénarios possibles. Mais par rapport à l'Italie, on a un petit coup d'avance.

Feriel Mestiri, Delphine Gianora, collaboration Marc Renfer

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