"'Restez chez vous' a été un message fort. Je ne vous cache pas qu'on l'attendait quand même d'une autorité forte telle que celle de la Confédération", affirme Tristan Gratier, président de Pro Senectute Vaud.
Pour lui, il était difficile depuis deux semaines "de tenir un discours qui évoluait jour après jour, heure après heure et variable selon les cantons", souligne-t-il au micro de La Matinale sur la Première.
Une triple peine
"Restez chez vous, mais attention on ne va pas vous oublier", ajoute-t-il. Car les aînés sont, selon lui, soumis à une triple peine: devoir rester chez soi, être privés de leurs petits-enfants et voir les réseaux sociaux les condamner.
"Je découvre avec effroi des messages disant: 'Ces vieux, on les voit encore sortir, alors que c'est à cause d'eux qu'on est en train de bloquer le pays'. Et ça, c'est inacceptable", insiste Tristan Gratier. "Il faut être très attentifs à ne pas exacerber le conflit des générations en cette période critique".
Ensemble, dans la vraie vie
"Nous invitons nos bénévoles et toute personne qui le désire à imprimer notre affiche 'Plus forts ensemble': avec elle, nous ne sommes pas dans le réseau social, mais dans la vraie vie".
L'idée est de signaler aux personnes âgées que d'autres sont à leur disposition, de proposer de l'aide pour faire des achats ou aller à la pharmacie, en donnant son numéro de téléphone par exemple... "et surtout, créer des chaînes téléphoniques", explique Tristan Gratier, "cela permet aux gens d'avoir du lien, afin qu'en seconde situation, les gens ne dépriment pas".
Comme toute les activités – sauf les services sociaux – de l'association sont supprimées, "c'est un succédané pour une période provisoire". Des liens créés par téléphone se concrétiseront sans doute plus tard: des choses profondes se diront à distance.
Une autre temporalité
"La majorité des personnes âgées va comprendre maintenant, depuis l'annonce du Conseil fédéral. Vous, les médias, vous vivez là-dedans seconde par seconde... nous, on vit cela heure par heure. Et les personnes âgées vivent cela jour après jour au mieux", explique le président de Pro Senectute Vaud, qui insiste sur le fait qu'il y a une semaine, "rien n'était très clair".
Stigmatiser les comportements des uns et des autres ne sert à rien. Chaque génération réagit à son rythme: les comportements vont s'adapter petit à petit et Tristan Gratier de souligner: "C'est une génération qui a le sens du devoir (...), dans quelques jours, on n'en parlera même plus".
L'isolement social est mauvais pour la santé
A bien des égards, notre vision va changer, pour cet homme de 46 ans, que ce soit au niveau sociétal, économique, ou sur la richesse de notre solidarité, intergénérationnelle notamment: "Des jeunes mettent en place des réseaux sociaux pour aider les seniors, ou viennent spontanément s'annoncer dans nos bureaux pour venir aider ceux qui doivent rester chez eux".
Plus difficile que le manque de médicaments, la prise de poids ou la cigarette, c'est l'isolement social, le manque de liens, qui influe le plus sur la santé, selon une étude que cite Tristan Gratier.
Créer du lien social et se parler, c'est ce que veut mettre en avant Pro Senectute, plus que jamais en ce temps de crise aiguë.
Interview radio: David Berger
Adaptation web: Stéphanie Jaquet