Votations: entre désarroi et satisfaction

Si l'initiative COSA fait peu parler les commentateurs, les
"lois Blocher" occupent quant à elles les colonnes des éditoriaux.
Et ce sont les quotidiens romands, "Le Courrier" en tête, qui se
montrent les moins satisfaits par le verdict des urnes.



C'est une "gifle" titre le journal genevois avec en Une une photo
montrant une barrière et un panneau routier interdisant le passage.
Selon le quotidien de gauche, l'annonce "impitoyable" des résultats
"avait de quoi déprimer le plus optimiste des militants des droits
humains".



L'éditorialiste du "Courrier" Marco Gregori estime en outre que le
résultat était connu d'avance pour ces lois "que la majorité
populaire ne nous empêchera pas de qualifier de xénophobes".

Un tournant clair et net

D'autres journalistes sont aussi très critiques. "Ce double oui
est l'expression du désarroi des Suisses face aux flux
migratoires", assure Anne Dousse dans "Le Matin". Il traduit "un
état d'esprit malsain", regrette Pierre-André Chapatte dans "Le
Quotidien jurassien", ajoutant que "l'étranger devient le bouc
émissaire commode à nos angoisses".



Christiane Imsand utilise même le terme d'"illusions perdues" dans
son éditorial. Cette décision "écorne sérieusement notre réputation
de tradition humanitaire", regrette Beat Grossenbacher dans le
"Journal du Jura".



De son côté, la "Tribune de Genève", qui préfère consacrer sa Une
au raz-de-marée en faveur des notes à l'école, parle de "tournant"
pour la Suisse. Le quotidien genevois donne la parole au président
du Conseil d'Etat Pierre-François Unger, qui se dit "consterné" par
ce vote, qui est "une calamité pour l'image de Genève dans le
monde".



Ce résultat est aussi "La victoire de l'ordre", titre "Le Temps".
Et il est "clair et net", selon "24 heures". "Comme un implacable
raz-de-marée", constate "Le Nouvelliste". "L'Agefi" y voit même un
vote "réaliste" et finalement "beaucoup plus moral que prévu".

Victoire pour Ch.Blocher

Les quotidiens sont aussi unanimes pour mettre en avant la
victoire de Christoph Blocher et de l'UDC, qui "a fait accepter sa
ligne au Conseil fédéral, puis au peuple", affirme la "Tribune de
Genève". Pour Jean-Jacques Roth dans "Le Temps", "la boucle est
bouclée" pour le ministre de Justice et Police, qui peut désormais
lorgner du côté d'un autre département à remettre dans le droit
chemin.



Selon "Le Matin", le conseiller fédéral UDC a su "traduire les
craintes de la population en donnant un tour de vis à notre
politique migratoire". Le caricaturiste Burki éclaire la joie de
Blocher dans son dessin en Une de "24 heures": une file d'attente
d'étrangers devant un coffre-fort à l'entrée très étroite et
estampillé suisse; avec à l'arrière le dirigeant UDC en train de
jubiler.



Pour "Le Nouvelliste", ce vote "dessine une véritable autoroute à
l'UDC qui pourra continuer à surfer sur la thématique des étrangers
pendant l'année électorale 2007". Le "Quotidien Jurassien" relève
surtout la "dérive irrationnelle et xénophobe" que l'UDC a fait
naître en Suisse avec le consentement du PRD et du PDC, qui ont
"entonné le même refrain pour enrayer leurs déboires
électoraux".

La gauche assommée

Aux yeux de la "Tribune de Genève", ce double oui massif
"assomme la gauche". Sans pour autant parler de succès pour les
radicaux et les démocrates-chrétiens qui ont "avalé, certains en se
pinçant le nez, l'énorme couleuvre" de Christoph Blocher. "La
défaite est sévère" pour le PS et c'est même un "dimanche noir",
renchérissent "24 heures" et "Le Temps".



Habituellement moins repliés vis-à-vis des étrangers, les cantons
romands, et même les plus ouverts comme le Jura, Genève ou
Neuchâtel, ont aussi dit oui. Un choix qui s'explique par la
crainte d'un accroissement de la concurrence économique, estime
Mario Sessa dans "L'Express/L'Impartial".

Et maintenant?

Dans "24 heures", Thierry Meyer veut désormais croire en un
apaisement. A ses yeux, l'UDC ne pourra pas demander des
durcissements supplémentaires "sans verser dans la politique
xénophobe". Pour la gauche, l'heure est au contraire "aux
propositions nouvelles", assure "24 heures".



Les quotidiens s'accordent aussi à dire qu'il faudra maintenant
surveiller la mise en oeuvre des lois. Pour "éviter les dérapages",
selon "Le Matin". Car ces lois "peuvent conduire aux pires bavures
et à de terribles injustices", craint le "Journal du Jura". Et
"tout reste à faire", tonne Adrien Bron dans la "Tribune de
Genève", car "nul ne sait jusqu'où le nouveau texte changera les
pratiques".



La conclusion pour Louis Ruffieux dans son éditorial dans "La
Liberté": "Jusqu'où le curseur sera-t-il poussé, alors que la zone
rouge des dérapages potentiels est déjà atteinte. La peur étant un
inépuisable fonds de commerce électoral, la surenchère est
inévitable. La droite modérée qui a hurlé avec les loups porte
désormais une lourde responsabilité. Tant dans le contrôle de
l'application des nouvelles lois que dans les projets à
venir."



ats/boi