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La pyramide des âges peut doubler le nombre de victimes du coronavirus

Les personnes âgées, premières victimes du coronavirus.
Les personnes âgées, premières victimes du coronavirus.
A elle seule, la forte proportion de septuagénaires et plus en Italie du Nord implique un risque de mortalité deux fois plus élevé que dans la province de Hubei en Chine. La Suisse, comme les autres pays d’Europe, est également surexposée.

Jusqu'à quel point la pyramide des âges peut-elle influencer le bilan de l'épidémie de coronavirus qui déferle sur le monde? On sait que le risque mortel augmente avec l'âge, mais quel est l'impact à l'échelle des pays? Pour avoir une estimation basse de celui-ci, nous avons comparé les taux de décès constatés en Chine avec la structure de population de plusieurs pays.

Le nombre de morts par habitants peut passer du simple au double du fait de la démographie. En cause: le taux de mortalité, globalement mesuré à 2,7% en Chine, mais qui passe de 0,3% pour les moins de 50 ans à plus de 14% pour les plus de 80 ans.

Prenons l’exemple théorique de 10'000 adultes contaminés à Hubei en Chine et le même nombre dans le nord de l’Italie. Dans cette dernière région, plus d'un adulte sur trois à plus de 60 ans. A Hubei, la province chinoise qui a connu les premiers cas, ils sont moins d'un sur cinq (voir encadré). Sur cette seule base, l’Italie du Nord pourrait compter deux fois plus de morts que la province chinoise: 330 contre 152.

Jennifer Dowd, professeure associée à Oxford en démographie et santé publique, a publié récemment un article sur l'impact de la démographie dans la pandémie actuelle. Elle confirme ce doublement potentiel de la mortalité, "du fait de la concentration des risques de décès sur les plus âgés".

Les mesures de prévention peuvent modérer la mortalité en réduisant le nombre d’aînés atteints. La qualité des soins et les traitements influent aussi sur le nombre de décès. Ces facteurs ne sont pas pris en compte dans ces calculs, basés de plus sur une transmission uniforme de la maladie.

La menace sur les populations les plus âgées semble s'aggraver encore en situation réelle. Si l'on prend les chiffres chinois et italiens, on constate que la part des plus de 60 ans parmi les décès est encore plus élevée que ce que l'on pourrait attendre selon les pyramides des âges et taux de mortalité.

Jennifer Dowd constate que "le taux de décès des personnes âgées semble pire encore en Italie qu'en Chine". Comment expliquer ces écarts? Le bilan parmi les seniors dépend de la "vitesse de transmission des plus jeunes aux plus anciens", selon la professeur en démographie. "Cette vitesse pourrait être plus élevée dans les pays où les liens et cohabitations inter-générationnels sont plus denses", ajoute-elle.

D'autres facteurs, tels que la mise sous pression du système sanitaire et l'obligation de trier les cas, peuvent influencer la répartition des décès par classe d'âges. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas une bonne nouvelle pour les seniors, ni pour les pays qui en compte la plus forte proportion.

Le poids de la démographie européenne

La seule pyramide des âges est déjà préoccupante pour les pays occidentaux. L'Italie compte un nombre record de personnes âgées en Europe. Toutefois, la Suisse et les pays du continent sont confrontés à la même problématique, dans une moindre mesure. Le risque de mortalité y est largement supérieur qu'à Hubei. Selon le scénario de 10'000 contaminés, la Suisse présente un risque d'au moins 268 décès, la France et l'Allemagne 306 et 308.

Outre-Atlantique, les États-Unis bénéficient d'une démographie plus "clémente" avec une estimation s'élevant à 245 morts.

Dans plusieurs pays, les taux de mortalité sont, à ce jour, plus bas que les 2,7% établis en Chine. En Suisse, il atteint 2,1%, 1,6%  en Corée du Sud et même 0,8% en Allemagne. Cet indicateur n'assure toutefois pas que le nombre décès sera inférieur sur le long terme. L'exemple coréen démontre que le taux de mortalité continue à monter, même quand l'épidémie semble sous contrôle.

Cantons inégaux face au risque

Même entre cantons suisses, l’exposition de la population au coronavirus est variable. Les différences dans la structure de la population sont parfois sensibles. À Bâle-Campagne, dans le Tessin ou le Jura, le nombre de morts par rapport à la population est potentiellement 20% plus élevé que dans des cantons plus jeunes comme Vaud, Genève ou Fribourg.

Il s’agit évidemment là d’un risque qui peut être réduit par des mesures visant spécifiquement les catégories les plus menacées. D'autres éléments, tels que l'obésité ou une forte proportion de personnes souffrant d'une co-morbidité, affecteront le bilan de chaque pays. L'âge semble, néanmoins, un facteur clé de la menace qui pèse sur les populations.

Tybalt Félix

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Propagation selon les âges encore floue

Contrairement à la grippe, qui se propage plus vite chez les plus jeunes, le coronavirus semble contaminer plus facilement les populations adultes. En Suisse, les tests, certes centrés sur les cas symptomatiques à risques, révèlent une surreprésentation des 50-59 ans et surtout des plus de 80 ans parmi les personnes contaminées, selon les données de l’OFSP.

Il reste toutefois difficile de savoir, à ce jour, dans quelle tranche d'âge la propagation du coronavirus est la plus rapide, notamment en raison des cas asymptomatiques.