Depuis quelques jours, 21h00 marque le moment où les Suisses et Suissesses se pressent à leurs fenêtres ou sur leur balcon pour applaudir le personnel hospitalier. Mais cette heure marque aussi pour de nombreux SDF l'instant où les accueils d'urgence ouvrent leurs portes.
A Genève, des femmes sans domicile ne peuvent se rendre dans l'hébergement qu'elles occupaient jusqu'alors. Jugé trop étroit, il ne répond en effet pas aux nouvelles normes sanitaires en lien avec le coronavirus et a donc dû diviser par deux ses capacités d'accueil. Pour une durée indéterminée, ces femmes dormiront donc dans une salle de gym, plus précaire et plus austère que leur logement précédent.
"T’as pas le moral.. (...) ce n'est pas l'endroit pour dormir, à la fois physiquement et psychiquement, mais il n'y a pas d'autres solutions et on accepte, mais c'est fatiguant", témoigne une bénéficiaire.
A quelques mètres de là, la situation est un peu plus réjouissante pour les hommes. Ils dorment également dans une salle de gym réquisitionnée mais par rapport à leur refuge habituel, ils y gagnent en confort, avec un espace plus conséquent, des sanitaires et des douches à disposition.
Crainte d'un confinement total
Pour Alain Bolle, président du Collectif d'associations pour l'action sociale (CAPAS), la crainte réside dans la décision possible d'un futur confinement total, car il ne dispose pas des ressources humaines nécessaires.
"Imaginez 30 personnes dans une salle de gym et devoir respecter cette distance de 1,5 mètre à 2 mètres, devoir se laver les mains et ne rien avoir à faire de toute la journée", déclare-t-il dimanche au 19h30.
Au-delà des salles de sport, la caserne des Vernets a été réquisitionnée pour les mêmes raisons mais pour l'instant, aucune date d'accueil n'a encore été décidée.
Situation similaire dans le canton de Vaud
Dans le canton de Vaud, la situation est aussi inquiétante pour cette population précaire. Cyril Maillefer, responsable de l'hébergement d'urgence à Caritas Vaud, juge la situation "préoccupante" et appelle la collectivité à ne pas oublier les plus démunis.
"Cette population a été pour ainsi dire oubliée lors des mesures de confinement. On a annoncé la fermeture des magasins, des bars et on a dit à tout le monde de rester à la maison, en oubliant que certains n'en avaient pas. Les sans-domicile sont confinés dehors. Comment avoir accès à l'hygiène quand tous les bâtiments publics sons fermés?", interroge-t-il samedi dans Forum.
Et d'ajouter: "Cela a pris une semaine pour que les autorités s'en rendent compte et mettent à disposition des WC publics accessibles."
"Il faut sédentariser ces personnes"
Pour Cyril Maillefer, il existe aussi une urgence sanitaire qui relie directement le coronavirus à ces personnes vulnérables: "Ce sont bien souvent des personnes en mouvement, à travers la région, la Suisse voire l'Europe. Ils sont aussi vecteurs du virus. Ils se contaminent et contaminent. Il y a donc une urgence sanitaire et humanitaire à les protéger. C'est aussi une urgence pour la population. Il faut donc pouvoir les sédentariser."
Face à cette situation, l'employé de Caritas évoque les limites de l'aide associative: "On atteint nos limites en tant qu'associations. Il faut que les pouvoirs publics aident davantage. Ils peuvent faire plus et mieux."
Et d'évoquer la possibilité de réquisitionner des hôtels: "Il faut mettre des hôtels à disposition, comme l'ont fait l'Italie, la Belgique ou encore la France. Cela permet de garantir plus d'espace personnel et donc moins de risques de contaminations. Si la Suisse passe au confinement total, cela deviendra indispensable."
"La réquisition d'hôtels n'est pas exclue"
Pour Oscar Tosato, municipal de la Ville de Lausanne en charge de la cohésion sociale, la situation est pour l'instant sous contrôle: "Nous travaillons en lien permanent avec les associations qui peuvent encore être sur le terrain. Nous avons mis à disposition une salle de gym pour mettre ces personnes à l'abri dans un lieu qui leur permette de respecter les distances sanitaires, avec des WC, des points d'eau, etc (...) Pour le moment, nous sommes à même de gérer cette crise à Lausanne et d'assurer un toit à tout le monde".
Toutefois, lui non plus n'exclut pas l'idée de réquisitionner des hôtels: "Ce n'est pas indiqué à ce stade, mais ce n'est pas exclu si la situation empire. Par exemple, si tout à coup, on avait un afflux de nouvelles personnes dans le besoin ou si le confinement généralisé était prononcé. Dans ce cas de figure, pourquoi ne pas faire cette démarche, en concertation avec le canton".
Et de conclure: "Il ne faut toutefois pas imaginer cela comme une solution miracle. Il faut en général se méfier de ces "fausses bonnes idées".
ther