Le ministre de la santé a justifié sa présence devant la presse
juste avant les Fêtes, alors que l'initiative «pour une caisse
maladie unique et sociale» sera soumise en votation le 11 mars, par
une nécessité de recentrer le débat.
Les attaques de la gauche cette semaine contre le financement de
la campagne par les assureurs sont «intéressantes mais
secondaires», d'après lui. Il faut d'abord discuter de ce que
propose l'initiative, a-t-il souligné. Et à ses yeux, celle-ci n'a
aucun avantage si ce n'est de permettre aux assurés de se venger
contre les caisses maladie, qui n'ont pas toujours bonne presse. Le
conseiller fédéral a donc pris soin de démonter point par point le
contenu du texte.
Monopole dangereux
La caisse unique supprimera toute concurrence, et donc toute
incitation à l'innovation. Les assurés ne pourront plus changer de
caisse si les prestations ou les primes ne les satisfont plus.
Finies aussi les franchises ainsi que les formes d'assurances
permettant des rabais de primes et des incitations à
économiser.
En lieu et place, ce seront des primes identiques de Romanshorn à
Genève et de Chiasso à Bâle. Et l'on s'acheminera vers une
harmonisation vers le haut, selon Pascal Couchepin. Aucune
réduction des coûts n'est garantie en contre-partie. Si Migros,
Coop et Denner fusionnaient, les prix des aliments ne baisseraient
pas pour autant, a souligné le ministre à titre d'exemple. Les
frais administratifs (5,4% des dépenses en 2005) ne diminueront en
outre pas forcément.
Structure inadaptée
Et la direction tripartite de la caisse unique postulée par
l'initiative n'améliorera pas les choses. "Quel intérêt auraient
ces nouveaux gérants à être innovatifs et à réduire les coûts?"
s'est interrogé le conseiller fédéral.
Prestataires de soins et pouvoirs publics ne se battront pas pour
une baisse de primes. Quant aux représentants des assurés, Pascal
Couchepin doute de leur légitimité démocratique. D'une manière
générale, la structure administrative lourde de la caisse unique
empêchera toute décision rapide.
Nouvel impôt
Le chef du Département fédéral de l'intérieur s'en est aussi
pris au nouvel impôt que représenteraient des primes fixées selon
le revenu et la fortune. La classe moyenne en fera les frais. Il y
aura en effet un plafond, selon le ministre. Car «avec des primes à
30 millions de francs, je doute qu'il y ait beaucoup de Johnny
Halliday qui viennent à Gstaad».
Se pose en outre la question de l'organe habilité à déterminer les
taux des primes. Pour le ministre, il est inconcevable que ce soit
la direction de la caisse (une instance privée ne pouvant fixer un
impôt). Quant au Parlement, il lui serait difficile, surtout en
année électorale, de prononcer des augmentations de primes de 5 à
10%.
Enfin, Pascal Couchepin s'est attaqué au transfert des actifs et
des passifs des assureurs existants à la caisse unique exigé par
l'initiative dans un délai de trois ans. Il risque bien de ne rien
rester. Afin s'attirer le plus de clients pour les complémentaires,
les assureurs auront tout intérêt à vider leurs réserves entretemps
avec des offres alléchantes pour l'assurance de base.
ats/sch
Cheval de bataille des socialistes
L'initiative a été lancée par le Mouvement populaire des familles, l'association de défense des retraités AVIVO, le syndicat des médias Comedia, les Verts, le Parti suisse du travail, les Jeunes socialistes ainsi que les sections vaudoise, genevoise et du Valais romand du PS.
Elle est soutenue par le Parti socialiste suisse qui en a fait un de ses chevaux de bataille en vue des élections fédérales d'octobre 2007.
Le PS a dégagé un budget de 200'000 francs pour mener campagne au moyen d'affiches, de flyers, de publicité dans la presse, d'un site internet et d'autres actions.
Epineuse question du financement de la campagne
La conclusion des professeurs de droit constitutionnel Rene Rhinow et Regula Kägi-Diener est sans appel: l'utilisation de plusieurs millions de francs prélevés sur les primes d'assurance maladie dans une campagne précédant un scrutin sur une initiative populaire est une "atteinte disproportionné et, par là-même inadmissible" à ce que l'on peut légitimement attendre d'une telle campagne.
Selon cet avis de droit, les assureurs, et a fortiori leur association faîtière, ne sont pas légitimés à intervenir dans une campagne de votation, car ils ne peuvent se réclamer de droits politiques.
Les médecins et les associations de défense des consommateurs demandent à la Confédération d'intervenir.