Le nombre de personnes infectées par le coronavirus augmente toujours en Suisse, avec 21’663 cas testés positifs selon les derniers chiffres des cantons lundi. Mais la courbe des hospitalisations semble se stabiliser depuis quelques jours, y compris dans les unités de soins intensifs des hôpitaux.
Cette tendance pousse certains à envisager un relâchement des mesures de confinement actuelles pour permettre de relancer l'économie, mais le secteur de la santé n'est pas de cet avis.
"La pandémie n'est pas encore contrôlée"
"Les chiffres sont encourageants mais la pandémie n'est aujourd'hui pas encore contrôlée", rappelle Philippe Eckert, directeur général du CHUV à Lausanne, mardi dans La Matinale. "Sa croissance, effectivement, diminue, mais nous avons tous les jours encore de nouveaux cas, que ce soit à l'hôpital, en soins intensifs, de nouveaux décès aussi, en particulier dans les établissements médico-sociaux", souligne-t-il.
Il est donc encore trop tôt pour penser que le pire est derrière, dit-il. "On a un ralentissement de cette croissance, mais aujourd'hui encore il y a des décès et la pandémie sera contrôlée le jour où nous n'aurons plus de décès et plus de nouveaux malades liés au coronavirus."
On arrive néanmoins aujourd'hui dans une phase où la croissance est moins forte, souligne le médecin. "On n'a pas eu autant de patients que ce à quoi on aurait pu s'attendre, tant mieux. Mais nous avons encore de nouveaux patients et je crois que c'est ça qui faire dire qu'aujourd'hui cette pandémie n'est pas contrôlée et qu'il est trop tôt pour envisager maintenant des mesures de levée de confinement", poursuit Philippe Eckert. "Il faut rappeler qu'il a fallu au moins quinze jours après la mise en place de ces mesures pour voir un ralentissement de la croissance de cette pandémie."
D'abord s'occuper de la santé de la population
Pour le directeur général du CHUV, les appels du pied - notamment de politiciens alémaniques - pour relancer la machine économique en Suisse sont donc prématurés. "Ils sont trop précoces. Il faut d'abord s'occuper de la santé de la population et je pense qu'on est en train d'y parvenir. Il faudra voir l'évolution ces prochains jours et après, ce sera légitime de parler de la reprise de l'économie. Mais si les mesures de déconfinement viennent trop tôt, nous risquons un deuxième pic qui, lui, va être extrêmement grave avec de nombreux décès notamment".
Il y a en fait un décalage entre certains discours et la réalité vécue par les milieux de la santé. "D'un côté les établissements sanitaires - et pas seulement les hôpitaux, aussi les EMS, les soins à domicile - sont confrontés à une situation difficile. Et d'un autre côté, vous avez toute une partie de la population qui est un peu suspendue, parce qu'on ne travaille plus, on ne sort plus", constate Philippe Eckert. "Et il est normal qu'il y ait ces questionnements de reprise de l'activité, économique en particulier. Mais clairement, nous devons d'abord nous concentrer sur le contrôle de cette pandémie."
Seulement quand la pandémie régressera
"Mon rôle", répète le patron du CHUV, "est de dire aujourd'hui qu'il est trop tôt pour prendre des mesures de déconfinement. Il est clairement trop tôt. On pourra relâcher la pression lorsqu'on aura vu que la pandémie non seulement se stabilise mais régresse. C'est-à-dire qu'on a moins ou plus du tout de nouveaux patients et qu'on sera en train de traiter les derniers patients tombés malades. On n'en n'est pas encore là."
"Je crois que pour l'heure, le remède marche", insiste Philippe Eckert. "La preuve, c'est que la pandémie est relativement contrôlée et en tout cas pour la Suisse, le remède choisi par le Conseil fédéral était le bon. Il suffit de maintenir le traitement assez longtemps et on vaincra cette pandémie".
Propos recueillis par Romaine Morard/oang