Deux semaines après un premier sondage sur la crise du coronavirus en Suisse, la SSR a mandaté l'institut Sotomo une seconde fois pour prendre le pouls de la population.
Les mesures prises par le Conseil fédéral depuis le 28 février dernier remportent toujours la confiance des personnes interrogées, puisqu'entre 57% et 77% d'entre elles se disent satisfaites des moyens mis en oeuvre pour contrer la pandémie.
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Dans le détail, les mesures restreignant la liberté de mouvement personnelle, telle que l'interdiction des rassemblements de plus de cinq personnes, obtiennent le soutien de 60% des sondés. Si le soutien à la fermeture de magasins et d'autres services reste toujours majoritaire (62%), il a baissé de 6 points de pourcentage par rapport au premier sondage. Dans le même temps, le taux de sondés estimant que ces mesures vont trop loin a lui augmenté de 9% à 22%.
Quant aux aides à l'économie dans son ensemble et les mesures d'amortissement de la perte de salaire, elles obtiennent également la faveur d'une majorité des personnes interrogées avec, respectivement, 61% (-6 points de pourcentage) et 57% (-7) des voix.
Les moyens mis en place pour renforcer le système de santé (augmentation des unités de soins intensifs, recrutement de personnel infirmier, mobilisation des militaires), sont eux largement applaudis (77%, +15).
Sortir pour faire ses courses ou se promener
Comme il y a deux semaines, la principale raison qu’invoquent les Suisses pour quitter leur domicile restent les achats. La semaine dernière, 72% (-3 points) des personnes interrogées sont ainsi sorties de chez elles pour faire leurs courses. Cette légère baisse est imputable à la seule catégorie des plus de 65 ans ; 44% d’entre eux se sont rendus au magasin durant la semaine écoulée, contre 64% deux semaines plus tôt.
Les trois autres motifs de sortie les plus souvent cités par les sondés sont les promenades (57%, +11 points), le travail (35%, -6) et le sport (21%, +5). Signe du ralentissement économique, l’importance des déplacements pour raisons professionnelles ne concerne plus qu’un tiers des personnes interrogées. A l’inverse, le besoin de prendre l’air et de se dépenser augmente fortement. Conséquence: la part de ceux qui n’ont pas quitté leur domicile chute de 16% à 8%.
Comme il y a deux semaines, plus de la moitié de la population (56%) continue de se déplacer en voiture plusieurs fois par semaine. Sans surprise, la chute de la fréquentation des transports publics est vertigineuse. Avant la crise, 33% des sondés utilisaient régulièrement les trams ou les bus ; ils ne sont plus que 6% aujourd’hui. L’évolution est la même dans les trains (de 29% à 5%). La marche à pied est en revanche plébiscitée, 50% des Suisses ayant utilisé ce mode de locomotion plusieurs fois cette semaine.
Soutien au traçage numérique des contacts
Le besoin apparent de mobilité de la population illustre la difficulté d’éviter les risques de transmission du virus dans l’espace public. Cette question sera d’autant plus importante une fois que viendra l’heure d’alléger les mesures de confinement prises par les autorités. Il sera alors crucial de détecter au plus vite les personnes malades et de trouver un moyen d’isoler les personnes potentiellement infectées.
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Pour ce faire, une des pistes à l’étude est le lancement d’une application de traçage des contacts que l’on pourrait installer, de manière volontaire, sur notre smartphone. Mais cette méthode ne peut fonctionner que si une grande partie de la population l’utilise. Or, selon le sondage, les deux tiers des Suisses seraient favorables (40%) ou plutôt favorables (25%) à l’installation d’une telle application, à la condition que la protection des données soit garantie.
Sur ce point, Romands, Alémaniques et Tessinois sont sur la même longueur d’onde. L’âge ne joue pas non plus un rôle crucial dans cette problématique. On remarque cependant que les jeunes sont un peu plus réticents à l’installation d’un tel service de traçage sur leur téléphone portable, 40% des 15 à 24 ans déclarant ne pas souhaiter utiliser ce type de technologie.
Assouplir ou durcir les mesures?
La "situation exceptionnelle" face à l’épidémie de coronavirus décrétée mi-mars par le Conseil fédéral doit théoriquement prendre fin le 19 avril, même si une prolongation de ce délai est possible voire probable. Alors que les pressions pour relancer la machine économique s’accentuent depuis quelques jours, les Suisses souhaitent-ils un allègement des mesures de lutte ou, à l'inverse, un durcissement du semi-confinement?
Selon le sondage, il n’existe pas de majorité pour un assouplissement des mesures spéciales visant à restreindre la vie publique et l’économie: 32% des personnes interrogées souhaitent un relâchement limité, 8% un relâchement étendu et 2% plaident pour un abandon pur et simple des mesures. A l’opposé, 13% des Suisses réclament un durcissement du confinement. Ils sont 37% à préférer le statu quo. Au vu de la dynamique de l’opinion, de nombreuses choses pourraient toutefois changer ces deux prochaines semaines, relève Sotomo.
De manière contre-intuitive, ce sont les catégories les plus vulnérables qui militent le plus fortement en faveur d’un assouplissement des mesures. En effet, plus l’âge des sondés augmente et plus le soutien aux mesures s’étiole. Ainsi, la moitié des plus de 75 ans aspirent à une levée au moins partielle des restrictions. En comparaison régionale, ce sont les Alémaniques, globalement moins durement touchés par le coronavirus, qui réclament davantage un relâchement.
Si les mesures étaient assouplies, quels devraient être les secteurs à rouvrir en premier? Selon les sondés, la priorité revient aux magasins (51%), devant les écoles (39%), les salons de coiffure et autres établissements de ce genre (36%) et les restaurants (22%). Le fossé linguistique est très net sur cette question, particulièrement en ce qui concerne la réouverture des écoles (48% en Suisse alémanique, 16% en Suisse romande, 17% en Suisse italienne).
Restrictions à Pâques
A plus court terme, le Conseil fédéral a appelé la population ces derniers jours à maintenir sa vigilance à l'approche des vacances de Pâques, sans toutefois renforcer les mesures en place. Une stratégie qui ne semble pas convaincre les sondés, puisque 61% d'entre eux se disent en faveur de règles plus strictes concernant la liberté de mouvement personnelle durant la période pascale.
On notera ici d'importantes différences entre les régions. Les Tessinois, dont le canton est plus durement touché par la pandémie, sont largement favorables à un tel renforcement (85%), tout comme les Romands (70%). Les Alémaniques, en revanche, ne sont qu'une majorité de 58% à souhaiter des mesures plus drastiques.
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Masques obligatoires dans les magasins?
Les sondés ne souhaitent toutefois pas de règles plus sévères concernant le port des masques de protection. Seuls 39% estiment que ces accessoires devraient être obligatoires dans les magasins, contre 53% d'opposants. Le Tessin est la seule région à souhaiter une telle mesure avec 55% d'adhérents, alors que ceux-ci ne représentent que 46% côté romand 36% outre-Sarine.
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Didier Kottelat et Mathieu Henderson
Méthode
Le sondage a été réalisé du 3 au 6 avril. Au total, 29'891 personnes dans toutes les régions du pays ont participé à l'enquête en ligne.
La marge d'erreur est de +/- 1,2 point de pourcentage.