Comme attendu, l'attention s'est concentrée sur la question de
l'enseignement des langues étrangères lors de l'examen de la loi
sur les langues jeudi à la Chambre du peuple. L'émoi suscité ces
dernières années par les décision de plusieurs cantons alémaniques
de commencer avec l'anglais a plané sur les débats.
La disposition donnant la priorité à l'enseignement d'une langue
nationale à l'école a été acceptée par 112 voix contre 56, grâce au
soutien de la gauche et de l'UDC. «Un signal clair doit être envoyé
aux cantons, car c'est une erreur de croire que l'ordre des langues
enseignées ne joue pas de rôle», a souligné Christian Levrat
(PS/FR), qui a relancé le projet de loi au Parlement.
Priorité à une langue nationale
Le conseiller national n'a pas contesté que les cantons sont
compétents dans le domaine de la scolarité obligatoire, et non la
Confédération. Mais «donner la priorité à l'anglais plutôt qu'à une
langue nationale conduirait un jour ou l'autre à la disparition de
cette dernière du programme scolaire», a-t-il averti.
Emmenés par leurs élus alémaniques, le PRD et le PDC auraient
préféré inscrire dans la loi que les jeunes doivent avoir des
compétences dans deux langues étrangères, dont au moins une
nationale, au terme de la scolarité obligatoire.
Les cantons resteraient ainsi libres de choisir quel idiome doit
être enseigné en premier, comme le prévoit le concordat HarmoS
approuvé la semaine dernière. Cela permettrait de tenir compte de
la solution trouvée par les cantons tout en prenant en
considération l'internationalisation croissante de l'économie et du
savoir, ont fait valoir ces partis.
La tactique de l'UDC
L'UDC a créé la surprise: alors qu'elle partageait ces arguments
sur le fond, elle a suivi le camp rose-vert. Des considérations
tactiques ont manifestement guidé les démocrates du centre,
désireux de torpiller lors du vote sur l'ensemble un projet qu'ils
jugent inutile et coûteux (17 millions environ). La loi a toutefois
été adoptée au final par 87 voix contre 68 et 15 abstentions.
L'UDC, tout en admettant comme les autres groupes que le
plurilinguisme fait partie de l'identité et des richesses de la
Suisse, avait annoncé la couleur dès le départ. En vain. Tant sa
proposition de non entrée en matière que ses amendements visant à
édulcorer le texte ont été balayés.
agences/boi/sun
Une longue histoire controversée
Concrétisant l'article constitutionnel sur les langues de 1996, la loi (coût entre 14 et 17 mio) vise «à renforcer le quadrilinguisme comme singularité de la Suisse et à consolider la cohésion nationale».
La Confédération elle-même est priée de faire un effort. Elle doit veiller à accorder un traitement identique aux quatre langues nationales.
Les compétences linguistiques de son personnel et une représentation équitable des communautés doivent être encouragées.
Pour faciliter la compréhension au-delà des régions linguistiques, la Confédération pourra octroyer des aides financières pour faciliter les échanges d'élèves et d'enseignants, ainsi que pour certaines traductions.
Avec les cantons, elle peut soutenir un centre de compétences pour la recherche appliquée liée aux langues et au multilinguisme.
La loi sur les langues, qui aurait pu passer devant le National depuis plusieurs mois déjà, a une histoire mouvementée. En 2004, le Conseil fédéral avait renoncé à légiférer, pour des motifs financiers notamment.
Une initiative parlementaire de Christian Levrat avait alors remis le projet sur les rails. Le dossier passe au Conseil des Etats.
Cantons mécontents
Les cantons n'ont pas tardé à réagir à la surprenante décision du Conseil national.
"La Confédération ne dispose d'aucune base constitutionnelle en la matière", rappelle la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP) dans un communiqué.
"Des années de discussions ont montré qu'il n'y a pas de consensus entre les régions du pays en ce qui concerne l'introduction des langues étrangères dans l'enseignement", écrit la CDIP.