Jeudi après-midi, le responsable de la division des maladies transmissibles à l'OFSP, Daniel Koch, alias "Monsieur Coronavirus", lançait une petite bombe en conférence de presse: "On peut dire que les enfants ne tombent pas malades et qu'ils ne sont pas affectés. Ce ne sont pas des vecteurs de transmission pour cette maladie."
Aussitôt dit, aussitôt interprété par les différents cercles concernés, à commencer par les parents d'élèves: "On nous dit que les enfants sont immunisés, mais que des mesures seront prises pour organiser les cours de gymnastique avec des petits groupes. S'ils sont immunisés, pourquoi? De la même manière, on nous dit qu'ils sont immunisés, mais il ne faudrait pas qu'ils voient leurs grands-parents. On se demande comment le Conseil fédéral en est venu à décider la reprise de l’école. Est-ce un argument sanitaire ou une volonté économique de relancer le travail pour tous?", s'interroge Marie-Pierre Van Mullem, présidente de l'Association vaudoise des parents d'élèves.
Daniel Koch est revenu vendredi en conférence de presse sur cette déclaration admettant un manque de précision: "Les enfants sont peu contaminés, cela découle des discussions que nous avons eues avec les pédiatres. Les premières études sur ce point montrent qu'ils ne sont certainement pas les grands vecteurs de cette épidémie. Certains sont parfois infectés, souvent par leurs parents, mais la majorité des enfants ne sont même pas contaminés. C'est pourquoi il est possible que les écoles primaires puissent ouvrir un peu avant".
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Trois semaines pour les cantons
De leur côté, les autorités cantonales disposent désormais de trois semaines pour se préparer. Mais avant d'envisager une quelconque mise en place des infrastructures, encore faut-il que les choses soient clarifiées au niveau fédéral.
"Avec les responsables des autres cantons, nous allons demander des clarifications à l'OFSP. Nous devons savoir si nous devons respecter la distance sociale, c'est un élément primordial pour réorganiser l'école. Mais si les enfants ne sont pas vecteurs de transmission, nous pourrons avoir plus de souplesse par rapport à l'organisation", explique Cesla Amarelle, conseillère d'Etat vaudoise en charge de la formation.
Le syndicat des enseignants romands exige lui une réouverture des écoles "sécurisée, préparée et précisée". Le SER dit ressentir une "incohérence" entre la fermeture "abrupte" des écoles le 13 mars et la décision de les rouvrir, "sans que les éléments scientifiques aient réellement changé", écrit-il vendredi dans un communiqué. "L'école ne doit pas devenir le vecteur d'une nouvelle pandémie", affirme-t-il.
Pour le syndicat, la réouverture ne doit pas être précipitée afin de garantir la sécurité des élèves et des enseignants. Le 29 avril, date à laquelle le Conseil fédéral doit confirmer la réouverture des écoles, "les garanties devront être claires. Sans elles, la réouverture des écoles doit être exclue", estime le SER.
Beaucoup trop tôt?
Pour Gregory Durant, président de la Société pédagogique vaudoise, c’est beaucoup trop tôt. Selon lui, les mesures sanitaires exigées par le Conseil fédéral ne sont réalisables ni dans les classes des petits, ni chez les plus grands: "Je pense qu’on n’a pas forcément les locaux pour garder les distances de sécurité. Ça voudrait dire que les élèves resteraient assis toute la journée, ce qui est extrêmement compliqué, même pour des adolescents".
Pour la Société pédagogique vaudoise, la meilleure solution pour garantir les mesures sanitaires serait d’y aller par groupes, en sélectionnant par exemple les élèves qui ont rencontré des difficultés durant l’année scolaire déjà écoulée, puis dans un deuxième temps d’y aller par vague ou par demi-classe.
"J'entends le besoin de certitudes"
Interrogé vendredi dans La Matinale sur les propos de Daniel Koch, le conseiller fédéral socialiste Alain Berset estime que la réalité est "plus complexe": "Ce virus est nouveau et on en apprend tous les jours, mais ce n'est pas une science exacte. On voit que les enfants sont peu touchés et ne sont pas forcément vecteurs du virus. Nous allons y aller pas à pas. Mais j'entends ce besoin d'avoir des certitudes. Nous allons aussi mettre en place des concepts de protection en tenant compte de la réalité spécifique de l'école."
Jérémie Favre avec agences