"C'est clair, c'est lui qui prend les décisions": de l'aveu de Daniel Koch, chef de la division des maladies transmissibles de l'OFSP et autre visage de la lutte contre le Covid-19, c'est Alain Berset qui est au centre du pouvoir décisionnaire concernant la pandémie.
C'est du moins lui qui renseigne la population sur l'évolution de la maladie, qui communique les prises de position du Conseil fédéral et qui, en tant que ministre de la Santé, s'est imposé comme l'homme fort du gouvernement durant cette crise, alors que la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga se fait plus discrète. Il se murmure même en coulisses que l'omniprésence d'Alain Berset dans les médias agace certains de ses collègues relégués dans l’ombre.
"Un très grand poids"
"C'est un très grand poids, une très grande responsabilité", avoue Alain Berset dimanche dans le 19h30, ajoutant qu'il n'est pas le seul à la porter, que "l'ensemble du Conseil fédéral est très uni dans cette affaire. C'est la force d'un gouvernement collégial". Et de souligner que les cantons jouent aussi un rôle très important, tout comme l'administration fédérale.
"C'est un très grand engagement et presque une performance sportive qu'on mène tous ensemble", ajoute le ministre de la Santé. "On voit dans ces moments-là que notre système politique, qu'on juge souvent un peu ennuyeux et trop lent, est capable de réagir pour faire face."
Omniprésence médiatique
Reste qu'Alain Berset est au centre de l'attention depuis un mois: avant tout dans la salle de presse du Palais fédéral, mais aussi dans tous les médias, en visite à Berne, à Genève ou en Valais. Ou encore sur les réseaux sociaux.
Et de l'avis général, Alain Berset sait y faire en matière de communication. Le Fribourgeois a par exemple défié Roger Federer, Stress et Christa Rigozzi pour qu'ils l'aident à communiquer son message en temps de Covid-19: une Suisse solidaire et des Suisses qui restent chez eux. Et à l'image de la star du tennis, les Suisses lui obéissent.
Une maxime et une popularité digitale
Le ministre de la Santé est également passé star dans l'art de la formule qui claque. On s'est parfois moqué de lui, mais on a tout de même tous retenu sa dernière phrase choc: "Nous souhaitons agir aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire."
Nous souhaitons agir aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire
Cette maxime a d'ailleurs rapidement fait le bonheur des réseaux sociaux, suscitant des réactions bon enfant qui prouve sa popularité digitale naissante.
Signe de cette sympathie, une étudiante en arts est désormais débordée par les commandes après s'être mise à produire des t-shirts décalés à l'effigie d'Alain Berset.
La modestie à la place des certitudes
Parfois critiqué pour sa prudence extrême ou pour le flou de certaines décisions, le socialiste a pris avec cette crise une nouvelle stature dans la vie politique, huit ans après son accession au Conseil fédéral, en remplacement de Micheline Calmy-Rey. En charge de l'Intérieur, et donc de la Santé, depuis son arrivée au gouvernement, l'ancien conseiller aux Etats avait jusqu'ici plutôt fait parler de lui sur le dossier des retraites.
A 48 ans - il les a fêtés chez lui le 9 avril dernier, en pleine pandémie mondiale - Alain Berset peut ainsi être vu comme la superstar de cette crise, mais cette superstar va peut-être vivre son épreuve la plus difficile ces prochaines semaines: le tournant du déconfinement. Les Suisses l'attendent et le critiquent déjà alors que son plan de déconfinement en trois étapes n'a pas encore été lancé.
Face aux critiques et aux incertitudes, le conseiller fédéral continue de jouer l'apaisement: "On fait face à un nouveau virus, on en apprend tous les jours et il faut toujours beaucoup de modestie pour prendre les bonnes mesures. Alors qu'on vivait auparavant dans un monde bourré de certitudes, où tout nous paraissait coulé de source et clair, là c'est un réapprentissage assez direct que ce n'est pas le cas."
Propos recueillis par Darius Rochebin
Sujet TV: Valérie Gillioz
Adaptation web: Frédéric Boillat