En ces temps de pandémie, la protection de la vie privée ne semble pas être la préoccupation première des Suisses. Pour 64% d'entre eux, c'est la lutte contre le Covid-19 qui prime. Ainsi, 30% des sondés soutiennent sans réserve un traçage des données de localisation et 34% y sont plutôt favorables, indique un sondage de la société de conseil Deloitte, qui l'a réalisé à Pâques auprès de 1500 personnes âgées de 16 à 64 ans vivant en Suisse.
Parmi les 36% de sceptiques restants, seule une petite minorité de 14% rejette catégoriquement cette solution, même anonymisée, comme 22% qui la rejettent "plutôt".
Par classe d'âge, les plus enthousiastes sont les "digital natives", ces personnes de moins de 30 ans qui ont grandi dans les nouvelles technologies (68%). Le penchant favorable est plus marqué encore pour ceux qui travaillent dans le secteur du numérique (78%). En revanche, la région d'origine ne joue aucun rôle, et aucun fossé ville-campagne n'a été observé.
Pas de sauvegarde centralisée
Une telle application, développée par un consortium international auquel participent les EPF de Lausanne et Zurich, est à bout touchant et devrait être prête d'ici au 11 mai, ont indiqué les deux hautes écoles et l'Office fédéral de la santé publique mardi. "DP-3T", pour Decentralized Privacy-Preserving Proximity Tracing, permettra à ses utilisateurs d'être avertis s'ils ont été en contact avec une personne infectée, afin de s'isoler ou de se faire tester. L'interruption des chaînes de transmission doit contribuer à freiner l'épidémie jusqu'à ce qu'un vaccin soit disponible sur le marché.
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L'appli devrait être installée sur base volontaire, selon les informations actuelles des autorités suisses. DP-3T est basée sur le Bluetooth et doit protéger la sphère privée des utilisateurs. Aucune donnée ne doit être sauvegardée de manière centralisée.
Débats animés à prévoir au Parlement
Il reste toutefois une étape à passer avant de voir ce système implanté, car le Parlement doit encore se pencher sur la question. Des débats animés sont à prévoir. Le préposé valaisan à la protection des données Sébastien Fanti les suivra de très près: "Introduire le système le 11 mai sur la base de l'article 77 de la Loi sur les épidémies est illégal. Cet article ne permet pas de l'introduire", estime l'avocat, pour qui il faut d'abord une nouvelle base légale proposée par le Conseil fédéral au Parlement, base légale qui contiendra des garde-fous (lire aussi l'encadré).
Introduire le système le 11 mai (...) n'est pas acceptable en terme de transparence, de débat démocratique et de base légale. A ce stade, c'est prendre des risques considérables
"Aujourd'hui, nous avons un chef d'office, aussi compétent, brillant et honnête soit-il, qui a décidé la mise sous surveillance de la population helvétique, soit huit millions de personnes. Ce n'est pas acceptable en termes de transparence, de débat démocratique ou de base légale. A ce stade, c'est prendre des risques considérables que de lancer ce système", conclut Sébastien Fanti, alors que des voix s'élèvent pour en rendre l'utilisation obligatoire.
Sujet radio: Alain Arnaud
Adaptation web: Vincent Cherpillod avec ats
Pas de lancement sans base légale, dit une commission du National
Une application de traçage de contact Covid-19 ne doit pas être introduite sans protection des données. La commission des institutions politiques du Conseil national a déposé jeudi par 22 voix contre 2 une motion visant à mettre en place la base légale nécessaire.
Elle dit ne pas être opposée au lancement d'une telle application si son utilisation se fait sur une base volontaire. Par ailleurs, seules les solutions techniques qui ne stockent pas les données personnelles de manière centralisée doivent être utilisées, recommande-t-elle.