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Caisse unique: les enjeux de la votation

A l'image de Charles Favre, le PRD sort vaincu des urnes
le conseiller national vaudois ne pense que du mal du texte
Le 11 mars, le peuple se prononcera sur l'initiative "pour une caisse maladie unique et sociale" qui réclame la création d'une seule caisse pour l'assurance obligatoire. Charles Favre (PRD/VD) est farouchement opposé à ce texte.

TXT: trouvez-vous normal que la Suisse soit le seul pays
où un vendeur paie la même prime qu'un directeur?




Charles Favre: Il est vrai que les primes d'assurance maladie sont
les mêmes pour tous, sauf pour 30% des petits revenus qui
bénéficient de subsides. Mais il faut savoir que si 60% du système
de santé est financé par les primes par tête, 40% l'est par les
impôts. Le système est donc social. Et l'une des victoires de la
LAMal, c'est qu'elle nous permet d'avoir des prestations de très
haut niveau qui ne génèrent aucun déficit. Tout ce que nous
consommons en matière de santé, nous le financons. Ce qui n'est pas
le cas dans les pays qui fonctionnent selon un système de caisse
unique.

TXT: selon vous, la caisse unique va augmenter les
coûts de la santé. Pourquoi?

CF: parce que l'initiative ne parle pas de limiter la
progression des coûts de la santé. Or, à cette question, il n'y a
que deux réponses possibles : ou vous mettez de la concurrence
parmi les médecins, les hôpitaux, etc. Ou vous estimez que l'Etat
décide tout comme en France ou au Québec. Et dans ce cas, la seule
solution pour diminuer les coûts de la santé, c'est de réduire les
prestations. C'est donc la porte ouverte à une médecine à deux
vitesses, avec des files d'attentes comme au Canada, des âges
limite pour certaines opérations et des riches qui vont se faire
soigner ailleurs.



TXT: une médecine à 2 vitesses, n'est-ce pas déjà le cas
en Suisse puisque certains sont obligés de prendre des franchises
très hautes pour limiter les primes et n'osent plus aller chez le
médecin parce que cela coûte trop cher...




CF: si on supprimait les franchises, on aboutirait à un système
d'augmentation des coûts qui ne serait bénéfique pour personne.
Chacun doit avoir le réflexe salutaire de se dire que consommer de
la santé coûte et se demander s'il est vraiment justifié de
bénéficier de certaines prestations. Je ne crois pas que cela nuit
à la qualité de la santé globale des Suisses.



TXT: l'un des arguments des initiants, c'est que la caisse
supprimera la concurrence fictive qui existe entre les caisses
actuelles puisqu'elles remboursent toutes les mêmes
prestations...




CF: certes, l'espace dans lequel les caisses peuvent faire jouer
la concurrence est modeste mais il doit être augmenté. Elles
peuvent proposer des assurances particulières, comme les HMO, le
choix limité du généraliste ou encore les différentes franchises
pour diminuer les coûts. Des choix que nous n'aurons plus avec la
caisse unique. Depuis la LAMal, une personne sur 5 a changé de
caisse et 55% des gens prennent des franchises plus élevées que
celle de base. Cela démontre que la concurrence fonctionne, même si
elle est encore insuffisante.



TXT: les initiants critiquent aussi vivement le manque de
transparence des caisses qui transfèreraient des mio entre
assurance de base et complémentaires. Sans parler des énormes
réserves qu'elles réalisent...




CF: les initiants n'ont jamais apporté la moindre preuve de ces
agissements, interdits par la LAMal. L'OFAS exerce en outre un
contrôle strict sur les caisses. Quant aux réserves, je suis
heureux qu'il y en ait ! Les prestations seront ainsi payées à la
population ces prochaines années ! Là où il n'y a pas de réserves,
voire des trous comme dans l'AI, le système est en danger.



TXT: mais le peuple devra se prononcer sur un principe à
ancrer dans la Constitution, non pas sur un mode de financement.
Pourquoi alors ne pas accepter le texte et faire confiance au
Parlement qui devra ensuite élaborer un modèle?




CF: les initiants se cachent derrière cette modification
constitutionnelle. Je trouve cela scandaleux en termes
d'information à la population! Aujourd'hui, on est dans le bleu
total. Les initiants ont proposé des modèles mais finalement c'est
le Parlement qui devra décider en fonction de la capacité
économique. Or celle-ci, c'est très simple, représente les revenus
ainsi que la fortune. Il n'y a pas de vraie marge de manœuvre,
comme le prétendent les partisans de la caisse unique.



TXT: à vous entendre, le système actuel est parfait. Or la
majorité des praticiens et infirmiers est pour la caisse unique.
Pourquoi?




CF: non, le système n'est pas parfait. Il faut l'améliorer au lieu
de le détruire. Je pense qu'il y a un malaise dans le monde de la
santé, notamment du côté des généralistes qui subissent une
pression extrêmement forte de la part des caisses. Celles-ci
exercent des contrôles de façon souvent maladroite. Et à mon avis,
les médecins ne disent pas oui à la caisse unique mais non aux
caisses actuelles. Car celles-ci pèsent en effet trop lourd.
J'encourage les médecins et les hôpitaux à se muscler pour devenir
un partenaire plus solide face aux cantons, à la Confédération et
aux caisses.



Propos recueillis par Christine Talos

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Enjeux de taille et bataille féroce

L'initiative a été lancée par le Mouvement populaire des familles et est soutenue par la gauche. Les actifs et passifs de l'assurance de base des 87 caisses actuelles seraient transférés d'ici 3 ans à la nouvelle instance unique. Celle-ci serait gérée par un conseil d'administration tripartite composé des pouvoirs publics, des fournisseurs de prestations et des assurés.

Le nouveau système, sorte d'"AVS de la santé", doit apporter plus de transparence et diminuer les coûts administratifs selon les initiants. Pour eux, il s'agit de tordre le cou à une concurrence fictive et chère dont les caisses se servent uniquement pour écarter les "mauvais risques".

"Monstre démocratique", répondent les opposants, la droite, les assureurs et Pascal Couchepin en tête. D'après eux, la caisse unique supprimera toute incitation à la baisse des prix et à l'innovation.

Mais le débat fait surtout rage sur la fixation des primes "en fonction de la capacité économique des assurés" demandée par l'initiative. Pour la droite, il s'agit d'un nouvel impôt qui frappera avant tout la classe moyenne. Finies les franchises et les formes d'assurances permettant d'économiser. Une seule prime, calculée sur la base du revenu, sera imposée aux assurés, de Genève à Romanshorn.

A gauche, on promet au contraire que les primes seront modulées par canton. Enfants et jeunes en seront exemptés. Selon le PS, les subsides pour les réductions de primes bénéficieraient à 60% des assurés contre 30% aujourd'hui. Les plus riches (10% des assurés) devraient payer davantage qu'actuellement. Les deux camps ont proposé des variantes de calcul sur le site "comparis.ch". Les résultats sont diamétralement opposés.

Les initiants ont toutefois rappelé que le peuple devait se prononcer uniquement sur le principe de la caisse unique. Ce sera en effet au Parlement (élu en automne 07) de fixer son financement. Les citoyens pourront alors voter plus tard sur le modèle proposé par les Chambres.

Au final, la campagne divise. Dans les principaux partis, PRD, PDC, UDC et libéraux disent non. Le PS et les Verts disent oui. Le monde de la santé est également partagé. Si les assureurs et les Hôpitaux refusent la caisse, les infirmiers, médecins assistants et médecins de famille l'acceptent. A noter enfin que selon les sondages, les Alémaniques refuseraient la caisse, contrairement aux Romands.