La demande du Ministère public de la Confédération (MPC) aux
autorités américaines de montrer des photographies d'islamistes
suisses présumés aux détenus de Guantanamo «est une forme de
légitimation de cette prison illégale à tout point de vue»,
constate Dick Marty, interrogé mardi par l'ATS.
Double attitude
«Cette collaboration est contraire à la Convention européenne
des droits de l'homme, à laquelle la Confédération est liée»,
relève également le rapporteur spécial pour le Conseil de
l'Europe.
Comme d'autres l'ont déjà relevé, «elle démontre la double
attitude de la Suisse, qui parle de l'importance des droits de
l'homme dans les discours du dimanche, et mène parallèlement des
actions qui expriment un soutien à leur violation», poursuit Dick
Marty.
Contre-productive
D'autres pays, notamment l'Allemagne, ont requis de Washington
des «preuves» récoltées dans des interrogatoires à Guantanamo.
«Cela a également créé un scandale», souligne le conseiller aux
Etats tessinois (PRD).
Sur le plan de la lutte contre le terrorisme, cette collaboration
est contre-productive, puisque «aucun tribunal ne peut accepter des
preuves recueillies de personnes détenues en dehors de toute
protection juridique».
Prochain rapport
Dick Marty, qui enquête lui-même sur les vols secrets de la CIA
en Europe, prévoit une «intervention énergique» contre ce genre de
pratiques par les autorités judiciaires européennes dans son
prochain rapport au Conseil de l'Europe. Celui-ci est prévu en
principe pour juin.
ats/ruc
En lien avec un procès en cours en Suisse
Un rapport a récemment révélé que le Ministère public de la Confédération (MPC) avait demandé aux autorités américaines de montrer des photographies d'islamistes suisses présumés aux détenus de Guantanamo, ce qui a suscité un tollé et une levée de boucliers.
La démarche du MPC s'inscrivait dans le cadre d'une enquête sur cinq Yéménites, un Somalien et un Irakien jugés actuellement par le Tribunal pénal fédéral à Lugano.
Ils sont accusés notamment d'avoir des «liens avec des organisations terroristes».
Preuves peu intéressantes juridiquement
Franz Wicki (PDC/LU), président de la commission des affaires juridiques du Conseil des Etats, estime que pour un juriste, de telles «preuves» n'ont aucune valeur.
Le professeur de droit pénal zurichois Wolfgang Wohlers souligne «qu'on ne peut pas utiliser devant un tribunal des preuves découlant indirectement d'une confession obtenue sous la torture».