Après le Conseil national lundi, le Conseil des Etats a approuvé mardi deux crédits d'engagement en faveur du secteur aérien.
Il a donné son feu vert aux garanties bancaires de 1,275 milliard de francs pour les compagnies aériennes Swiss et Edelweiss, ainsi qu'à une aide similaire de 600 millions de francs pour les entreprises connexes travaillant sur les aéroports nationaux.
Une industrie d'importance systémique
Le débat sur le soutien à l'aviation est l'un des plus chauds de la session extraordinaire des Chambres fédérales consacrée au coronavirus. Le différend ne porte pas sur le principe d'une aide étatique, peu contesté, mais sur les conditions posées à celles-ci. Le PS, les Verts et les Vert'libéraux souhaitaient imposer aux compagnies des exigences en matière environnementale.
L'industrie aéronautique - qu'il s'agisse du transport de passagers ou du fret aérien - est d'une importance majeure pour l'économie suisse, largement tributaire des relations avec l'étranger, relève la majorité bourgeoise du Parlement. Pour l'UDC, le PLR et le centre, il est urgent de soutenir le secteur aérien et fixer des contraintes trop strictes n'est donc pas souhaitable.
Pas d'impératifs environnementaux
Dans sa proposition au Parlement, le Conseil fédéral a soumis l'aide à deux conditions: aucun dividende ne pourra être versé avant le remboursement de l'intégralité du prêt et les fonds garantis par la Confédération ne devront être utilisés que pour les infrastructures suisses. Au National, les velléités du camp rose-vert d'ajouter des impératifs environnementaux ont toutes été balayées.
La majorité de la Chambre du peuple n'a ainsi pas voulu d'un engagement des bénéficiaires en faveur d'une réduction des gaz à effet de serre ou des vols intérieurs, de l'introduction d'une taxe sur les billets d'avion ou d'un impôt international sur le kérosène, du développement de carburants synthétiques ou encore d'un renouvellement de la flotte par des appareils plus silencieux et moins gourmands.
Et ailleurs dans le monde?
Le secteur aérien helvétique n'est pas le seul à se tourner vers le gouvernement. Dans le monde entier, les compagnies aériennes sont prises dans la tourmente du coronavirus et aucune perspective de rebond n'est attendue avant plusieurs mois, voire plusieurs années. Pour elles, la question n'est pas de savoir si elles auront besoin d'une aide étatique, mais plutôt comment celle-ci se concrétisera.
Aux Etats-Unis, l'administration Trump a prévu une enveloppe de 25 milliards de dollars pour sauver l'industrie aéronautique. Une partie de la somme sera versée sous la forme de subventions et une autre partie sous la forme de prêts. Les clauses exactes n'ont pas été dévoilées, mais le plan de sauvetage est assorti de conditions, comme le maintien des emplois et des liaisons intérieures.
La France fait cavalier seul
La plupart des compagnies aériennes ont toutefois obtenu des prêts bancaires ou des prêts directs sans conditions. C'est le cas, par exemple, d'easyJet en Grande-Bretagne et d'Iberia en Espagne. La France, elle, a conditionné son aide à des objectifs climatiques. Air France devra supprimer ses vols intérieurs sur les trajets où une alternative ferroviaire existe. L'Autriche réfléchit aussi à imposer des contreparties environnementales.
En Allemagne, le plan de sauvetage négocié par Lufthansa avec Berlin pourrait déboucher sur une prise de participation de l'Etat fédéral dans le capital de la compagnie, à hauteur de 25%. En Italie, le coronavirus a été le coup de grâce pour Alitalia, qui sera carrément nationalisée. La nouvelle société sera constituée en juin, avec une flotte réduite.
Le secteur aérien sinistré
Le coronavirus a plongé le trafic aérien mondial dans une crise sans précédent. Celui-ci a enregistré en mars la plus forte baisse de son histoire récente avec une chute de 52,9% sur un an, retombant au niveau de 2006, selon l'Association internationale du transport aérien (IATA). Face à cette situation, les annonces de faillites et de suppressions d'emplois se sont succédé ces dernières semaines.
La pandémie a notamment sonné le glas du transporteur régional britannique Flybe, tandis que le géant australien Virgin Australia s'est mis volontairement en cessation de paiements. British Airways, Ryanair, SAS ou encore Icelandair vont supprimer des milliers de postes. Une hémorragie qui touche l'ensemble du secteur aérien. Le constructeur américain Boeing a ainsi annoncé la suppression de 16'000 emplois.
Didier Kottelat avec les agences