Cette photographie de l’état de santé du personnel soignant des EMS a été réalisée en deux étapes, d'octobre 2018 à septembre 2019.
Parmi les personnes interrogées, 81% ont indiqué avoir souffert de douleurs dorsales, 41% de douleurs articulaires et 12% de troubles cardiovasculaires au cours des 12 derniers mois.
Au niveau psychique, 67% du personnel sondé avoue des troubles du sommeil et 47% des états dépressifs.
Limites du système atteintes
Et la situation n'a fait qu'empirer depuis la crise du nouveau coronavirus. C’est précisément le cri d’alarme que lance Unia avec cette enquête qui sera publiée jeudi. Pour le syndicat, la crise révèle que les limites du système sont désormais atteintes.
Il dénonce en priorité la "marchandisation des soins" - un minutage de chaque geste et un mode de financement qui stressent toute le monde, soignants et résidents. Seuls 11% des sondés estiment avoir assez de temps à consacrer à leurs pensionnaires. Et la situation a encore empiré avec le Covid-19, puisque le personnel est censé combler le vide laissé par l’interdiction de toute visite dans les homes.
Au nom de la rentabilité
Pour expliquer ce sentiment de stress et d'urgence quasi permanente, l’enquête décrit un cercle vicieux: les partenaires privés et publics doivent rentabiliser au maximum leurs équipes. Horaires irréguliers, heures supplémentaires et manque de repos deviennent presque la règle.
Il en découle ces problèmes de santé mais aussi une crise des vocations: il manquerait actuellement plus de 20'000 soignants (auxiliaires et diplômés) dans les EMS.
Revaloriser les salaires
Plus inquiétant encore, 47% des sondés songent à changer de métier. Le problème du salaire - entre 3000 et 5000 francs bruts pour l’immense majorité - est un gros point noir.
>> Lire : Près de la moitié du personnel soignant veut abandonner son travail
Pour sortir de cette spirale, Unia estime qu'il faudrait revoir le mode de financement et revaloriser chaque poste.
Ces revendications sont du reste les mêmes chez le personnel hospitalier. Il y a actuellement comme une clameur de plus en plus forte qui monte des EMS et des hôpitaux.
Ludovic Rocchi/oang
Des témoignages éloquents
Dans le cadre de son enquête, Unia publie divers témoignages révélateurs des conditions de travail et de l'état d'esprit du personnel soignant.
"Nous sommes soumis à un système 'chaud/repu/propre' calculé au plus juste, nous n’avons plus le temps d'assurer des soins de qualité, il y a beaucoup de chutes et les résident-e-s sont souvent laissés seuls trop longtemps. Les soins de base ne peuvent être effectués que superficiellement. Nous n'avons presque jamais le temps de faire une promenade avec les résident-e-s, de les accompagner, etc…", constate une aide-soignante de 62 ans.
Une infirmière de 20 ans explique: «Les services entrecoupés sont très contraignants et tout le monde trouve que ce sont les pires. On ne peut pas correctement se reposer pendant les quatre à cinq heures de 'pause' forcée parce qu’on sait que la journée n’est pas terminée et qu’il faut retourner au travail. Je constate que ce sont surtout les aides-soignantes qui doivent effectuer de nombreux services entrecoupés".
"Avec les nombreuses interventions requises et la pénibilité du travail, on n'a plus guère le temps et l’énergie de se concentrer sur les loisirs, la famille, etc. La vie privée en pâtit beaucoup", déplore une infirmière âgée de 21 ans.