Selon cette étude (voir encadré), conduite par Médecins sans frontières et les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), la population précarisée présente un risque d'infection largement supérieur à la moyenne.
Le jour du sondage, menée lors d'une distribution de paniers de nourriture, 1% de la population genevoise était dépistée positive au coronavirus. Or, ce taux était de 3,4% parmi les personnes interrogées, toutes en situation de précarité.
Par ailleurs, les auteurs de l'étude estiment que ce résultat est sous-évalué. En tenant compte d'une marge d’erreur, ils estiment que c’est plutôt autour de quatre fois plus de risques, car près de 10% des personnes questionnées ce jour-là partageaient alors leur logement avec un malade.
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Des observations qui confirment des hypothèses
Cette étude confirme en tous les cas des faits déjà observés à Singapour, New-York ou encore Chicago, par exemple, où le nombre de décès du Covid-19 étaient beaucoup plus élevé dans les quartiers défavorisés.
En cause, la promiscuité forcée de celles et ceux qui vivent à plusieurs dans un espace restreint, et qui rend impossible le respect des distances physiques sanitaires. Seul un tiers des personnes interrogées seraient en mesure de s’auto-confiner si elles étaient malades.
De plus, beaucoup renoncent à se faire dépister pour des raisons de coûts et de logistique. Parmi les sondés, 90% ont dit vouloir se faire tester en cas de symptômes, et pourtant 26% seulement l’ont réellement fait.
Pas de données nationales
Enfin, un dernier facteur pourrait contribuer à exposer davantage les plus pauvres. En effet, selon les données de l’Office fédéral de la statistique, ceux-ci sont davantage touchés par des maladies chroniques, telles que le diabète (deux fois plus) ou l’hypertension (trois fois plus), qui représentent un facteur aggravant du Covid-19.
Si cette étude semble confirmer des hypothèses déjà fortement soupçonnées, elle reste toutefois restreinte, avec un échantillon de seulement 532 personnes, et uniquement à Genève. Mais il n'en existe aucune de la sorte au niveau national, l’OFSP ne tenant pas compte des profils socio-économiques dans son analyse des cas.
Alexandra Richard/jop
Méthode et détails de l'étude
Au total, 554 personnes ont été abordées consécutivement dans la file d’attente d'une distribution de denrées de première nécessité à Genève, le 2 mai 2020, et 532 (96%) ont accepté de répondre, sous couvert d'anonymat, à des questions portant sur des aspects démographiques, économiques et médicaux dans le contexte du Covid-19.
Un questionnaire standardisé a été administré en plusieurs langues (français, anglais, italien, espagnol, portugais, arabe, farsi et mongol) par des enquêteurs formés à la récolte de données scientifiques.
L'échantillon est composé majoritairement de femmes (75%), et l'âge allait de 18 à 76 ans (âge moyen: 44 ans). Les personnes migrantes sans statut légal (sans-papiers) représentaient 52% des participants. De nombreux répondants avaient un statut accordant le droit à l’aide sociale : citoyens suisse (3,4%), résidents avec titre de séjour (28,3%) et requérants d’asile (4,3%). Le statut n’était pas connu chez environ 12%.
Une personne sur dix vivait dans un hébergement collectif (foyer ou abris pour personne sans domicile fixe) ou dans la rue. En moyenne, le logement privé comprenait moins de 2 pièces pour dormir et abritait environ 4 personnes. Ainsi, la moyenne de personnes/chambre était de 2,5.
Où la Suisse cachait-elle ses pauvres?
La Suisse s'est émue ces derniers jours des images d'immenses file d'attente pour une distribution de nourriture à Genève. Beaucoup se sont demandés où et comment vivaient ces personnes habituellement ces personnes précaires, puisqu'on ne les voit pas.
Eléments de réponse dans le Point J avec Nawel Khemissa, éducatrice et membre du collectif L’armoire à couvertures.
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