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"Seul un employeur sur cinq continue à payer son employé de maison"

La crise sanitaire a plongé un grand nombre de gens dans la précarité. La faute à certains employeurs.
La crise sanitaire a plongé un grand nombre de gens dans la précarité. La faute à certains employeurs. / 19h30 / 3 min. / le 17 mai 2020
La crise du coronavirus frappe durement les employés du secteur de l’économie domestique, souvent lâchés par des patrons qui préfèrent se passer de leurs services . A Genève, "ils ne sont que 20% à être encore aidés par leur employeur", affirme Yves Jackson, médecin aux HUG.

"La majorité de ces employeurs ne semblent pas savoir qu’ils ont des devoirs", ajoute le responsable de la consultation ambulatoire mobile de soins communautaires de l'hôpital genevois.

Même constat dressé par le responsable du Collectif de soutien aux sans-papiers. "Ce qu’on remarque dans les sondages et que nous avons aussi vu dans nos consultations, c’est que seuls 20% des employeurs dans l’économie domestique continuent à payer le salaire à leurs employés, même s’il y a eu une interruption du rapport de travail. Ce qui veut aussi dire que 80% ne le font pas", affirme Alessandro De Fillipo.

Sans revenu du jour au lendemain

Dans les files d’attentes aux Vernets, à Genève, où ont lieu des distributions de colis alimentaires chaque samedi depuis trois semaines, ils sont 52% à être sans-papiers. Selon Alessandro De Filippo, une majorité travaille dans l’économie domestique: femmes et hommes de ménage, gardes d’enfants ou encore soins aux personnes âgées. Certains travaillent aussi dans la restauration ou l’hôtellerie. Ils sont des milliers à s’être retrouvés sans revenu du jour au lendemain.

C’est le cas de Liezel, employée de maison et mère d’une petite fille. Sa vie a basculé du jour au lendemain avec un SMS, qu’elle a reçu de sa patronne: "Salut Liezel, je pense que c’est mieux que vous ne veniez pas pour le moment. Merci beaucoup. Prenez soin de vous et des vôtres." Liezel n’a plus été payée depuis le mois de mars: "Tout à coup, tout s’arrête. Je n’ai plus reçu de salaire." Selon le docteur Jackson, la majorité de ces employés ne connaissent pas leurs droits.

Quant aux employeurs qui ne paient plus, leur profil est varié. La patronne de Liezel travaille dans le secteur bancaire, d’autres dans les organisations internationales, mais c’est loin d’être le cas de tous les employeurs. Tous les milieux  sont concernés, affirme Mirella Falco, secrétaire syndicale au SIT: "En fait les employeurs, c’est toute la population. On se rend compte qu’il peut y avoir des avocats, des familles qui vivent dans les beaux quartiers. Mais il y a aussi toute une catégorie de salariés qui sont eux-mêmes touchés par la crise et qui ne peuvent plus payer leurs propres facture."

Situation différente pour le travail déclaré

Même observation de  Silvana Mastromatteo, responsable de la Caravane de Solidarité: "Parmi les employeurs qui ne paient plus, il y a les missions diplomatiques. Mais ce n’est pas tout: certains travaillent dans l’hôtellerie ou la restauration. Ils emploient ces travailleurs avec un petit salaire. Et maintenant, ils se retrouvent eux-mêmes sans rien."

La situation est différente dans le secteur de l’économie domestique déclarée, relève le responsable de Chèque Service: "Les employeurs qui font appel à Chèque service essaient de faire le mieux possible, en respectant la loi. La majorité de ceux qui déclarent leurs employés de maison continuent à verser le salaire. Mais une minorité se retrouve toutefois dans des difficultés de paiement pour leurs employés", ajoute Oscar Parraga, qui révèle un exemple de courrier reçu d’un employeur : "Il est pour nous impossible de payer notre femme de ménage pendant cette période COVID. Nous lui avons demandé de ne pas venir depuis la cessation de notre activité professionnelle pour des raisons budgétaires."

Comme Chèque service, les permanences syndicales, collectifs d’aide aux sans-papiers et associations caritatives rappellent régulièrement aux employeurs leurs devoirs via des courriers depuis le début de la crise (voir encadré).

Samedi dernier, 2600 sacs de nourriture ont été distribués aux Vernets à Genève, en plein centre-ville. Soit 900 de plus que la semaine d’avant.

Cynthia Gani et Annabelle Durand

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Les devoirs des employeurs

Payer sa femme de ménage est obligatoire, même si on lui demande de ne plus venir: le code des obligations le stipule. L’employé(e) de maison est en droit de réclamer son salaire, également de manière rétroactive, et même si elle travaille au noir.

Il faut toutefois qu’elle puisse prouver la relation de travail. Comme un contrat écrit n'est pas toujours établi, tout élément de preuve est important: cela peut être des emails ou encore des SMS: "Pouvez-vous s’il vous plaît venir repasser le linge cet après-midi", est un exemple de preuve. Pour déterminer la somme de travail, on prend aussi en compte le nombre de mètres carrés du logement à nettoyer, et le nombre de personnes qui y vivent.

>> Les précisions de Cynthia Gani dans le 19h30: