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Le Conseil fédéral choisit l'option nucléaire

Après les centrales actuelles (ici, Mühleberg), de nouvelles centrales nucléaires ?
Les centrales actuelles (ici Leibstadt) pourraient être remplacées
Le Conseil fédéral ne veut pas abandonner la voie du nucléaire. Les centrales existantes devront être remplacées ou complétées par de nouvelles pour pallier le manque d'énergie à venir, a-t-il décidé mercredi.

La Suisse doit miser sur l'amélioration des rendements
énergétiques et l'efficacité des appareils, puis promouvoir les
énergies renouvelables, mais le nucléaire et les centrales
combinées à gaz restent des "nécessités" pour éviter les pénuries
prévues dès la fin de la prochaine décennie, a estimé mercredi le
conseiller fédéral Moritz Leuenberger.

Il s'agit bien de décisions claires du Conseil fédéral et non de
perspectives abstraites, a-t-il précisé en présentant les grandes
lignes de la stratégie du gouvernement en matière d'énergie. Un
plan d'action détaillant les moyens et objectifs devrait être
élaboré d'ici à la fin de l'année. Diverses taxes sont à l'étude. A
moyen terme, des réductions de la consommation de 15 à 30%
devraient être obtenues, notamment dans les domaines des transports
et du chauffage.

Mesures insuffisantes

Les perspectives pour 2035 montrent qu'au vu de la croissance de
la consommation d'énergie, les mesures adoptées jusqu'à présent ne
garantissent pas la sécurité de l'approvisionnement, estime le
Conseil fédéral. Il sera donc aussi nécessaire de remplacer les
centrales nucléaires existantes ou d'en construire de
nouvelles.



S'agissant du pétrole et du gaz, la sécurité de
l'approvisionnement est incertaine du fait de la dépendance
vis-à-vis de l'étranger et des ressources fossiles limitées. De
plus, compte tenu du changement climatique global, les émissions de
dioxyde de carbone (CO2) doivent être considérablement
réduites.

Privilégier l'hydroélectricité

Pour ce qui est de l'électricité, qui représente un quart de la
consommation d'énergie, des problèmes d'approvisionnement sont
attendus en raison de l'expiration imminente des contrats
d'importation à long terme et de la durée d'exploitation limitée
des centrales nucléaires existantes.



L'hydroélectricité doit rester la principale énergie renouvelable,
estime le gouvernement. Elle doit être développée modérément en
prenant en considération la protection des eaux et de
l'environnement.

Centrales à gaz combinées

L'approvisionnement électrique présentera à partir de 2020 un
déficit (lire ci-contre), qui doit rester aussi
faible que possible. Pour cela, le Conseil fédéral préconise les
centrales à gaz à cycle combiné (CCC), mais uniquement comme
stratégie transitoire.



Les CCC devront compenser les émissions de CO2 par des certificats
(quotas d'émissions) à l'étranger - seulement dans la mesure où la
compétitivité de la production indigène d'électricité n'est pas
restreinte par rapport à l'étranger.



Le gouvernement entend également renforcer la collaboration
internationale, en particulier avec l'UE, notamment en négociant
dès que possible le rattachement au commerce européen de
certificats de CO2.

REACTIONS: L'ATOME ET LE GAZ DIVISENT

Pro-nucléaires et anti-nucléaires se
sont immédiatement opposés dès la présentation, mercredi, des
grandes lignes de la nouvelle politique fédérale en matière
d'énergie. Si tout le monde se félicite du soutien à l'amélioration
des rendements énergétique et de la promotion des énergies
renouvelables, les opinions partent dans des directions opposées
dès qu'il est question de l'atome, mais aussi du gaz.



Le Parti radical salue l'«effort» du gouvernement en matière
d'efficience énergétique, d'énergies renouvelables et de
remplacement des centrales nucléaires actuelles. Le PRD combattra
toutefois la construction de centrales à gaz, indique-t-il dans son
communiqué. Il leur préfère de nouvelles centrales nucléaires.

PDC réservé

Le PDC se montre lui aussi «réservé» face à l'option des
centrales à gaz. La solution transitoire proposée est «tout juste
acceptable», estime Marianne Binder, cheffe de la communication.
«Nous considérons le remplacement des centrales nucléaires
existantes comme une option possible». Concernant les autres choix
du gouvernement, les démocrates-chrétiens se voient «confirmés»
dans plusieurs de leurs revendications.



De son côté, l'UDC se réjouit de la décision du Conseil fédéral.
«C'est une position raisonnable qui tient compte de la réalité», a
indiqué à l'ATS son président, Ueli Maurer. Les pénuries
d'électricité sont ainsi bien évitées, a-t-il ajouté. Ueli Maurer
ne voit pas d'objection à l'utilisation provisoire de centrales à
gaz à cycle combiné, «tant que les émissions de CO2 sont
complètement compensées».

"Absolument inacceptable"

Le Parti socialiste se dit «satisfait que le Conseil fédéral ait
mis la priorité sur l'efficience énergétique et les énergies
renouvelables», a déclaré à l'ATS sa porte-parole Claudine Godat.
Seul bémol pour le PS: la construction de nouvelles centrales
nucléaires. «Mais le marché va favoriser les énergies
renouvelables. Construire des centrales deviendra bientôt
caduc».



Autre son de cloche du côté des Verts. La stratégie énergétique de
la Confédération est trop frileuse et erronée sur certains points,
communique le parti. Et d'ajouter que la décision du gouvernement
«est en totale contradiction avec une politique énergétique
durable».



«En restant attaché aux centrales, le gouvernement poursuit la
politique de gaspillage énergétique qui est responsable du
changement climatique», affirme pour sa part Leo Scherer, de
Greenpeace Suisse. "Absolument inacceptable": tel est l'avis de la
Fondation suisse pour l'énergie. Le nucléaire et le gaz vont
simplement prolonger les gaspillages, estime-t-elle.



agences/sun

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Pénurie d'électricité

Longtemps exportatrice d'électricité, la Suisse a dû au cours des deux derniers hivers importer du courant pour répondre à la demande. Et tant l'Office fédéral de l'énergie que l'industrie électrique s'attendent à ce que la hausse de la consommation se poursuive.

Les besoins en courant devraient augmenter de 25 à 30% d'ici 2035, estiment-ils. La croissance économique et démographique (hausse des appareils électriques) en constituent les principales raisons.

De plus, les efforts pour réduire la consommation des énergies fossiles dans le trafic et le chauffage ont pour effet d'augmenter celle en électricité.

Aujourd'hui, environ 40% de l'électricité en Suisse provient de centrales nucléaires, un peu moins de 60% de l'énergie hydraulique et environ 2% d'autres sources.

Nucléaire, je t'aime moi non plus

Contestée presque depuis ses débuts, l'énergie nucléaire a connu des hauts et des bas en Suisse. Rappel de quelques points saillants.

24 novembre 1957 : le peuple suisse approuve un article constitutionnel qui fait de l'énergie nucléaire une compétence fédérale.

1968 : une centrale atomique expérimentale est mise en service à Lucens (VD). L'essai est stoppé l'année suivante par un accident.

1969 : la première centrale nucléaire suisse (Beznau I) entre en service en Argovie. Suivront Beznau II en 1971, Mühleberg (BE) en 1972, Gösgen (SO) en 1979 et Leibstadt (AG) en 1984.

Années 70 : l'émergence de préoccupations liées à l'environnement attise les critiques contre l'énergie atomique.

1975 : le site de Kaiseraugst (AG), prévu pour bâtir une nouvelle centrale, est occupé par des milliers d'opposants.

1979-84 : trois initiatives hostiles à l'énergie nucléaire sont rejetées en votations populaires.

Années 1980 : la catastrophe de Tchernobyl (avril 1986) renforcent les doutes sur la sécurité de ces installations.

1988 : les projets de centrales nucléaires à Kaiseraugst et Graben (BE) sont abandonnés.

23 septembre 1990 : le peuple suisse approuve une initiative demandant un moratoire de dix ans sur la construction de nouvelles centrales nucléaires. Mais il refuse l'abandon progressif de cette énergie.

11 décembre 1997 : en signant le Protocole de Kyoto, la Suisse s'engage à réduire d'ici 2012 ses émissions de gaz à effet de serre de 8% par rapport à 1990.

22 octobre 1998 : le Conseil fédéral adopte le principe d'une sortie du nucléaire.

2000 : la fin du moratoire et l'entrée en vigueur de la loi sur la réduction des émissions de CO2 relancent l'énergie nucléaire.

18 mai 2003 : le peuple suisse rejette deux initiatives, l'une pour un nouveau moratoire de dix ans, l'autre pour l'abandon progressif du nucléaire.

1er février 2005 : entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'énergie nucléaire. Elle confirme cette option, mais soumet les projets de nouvelles centrales au référendum facultatif.

2006/07 : les producteurs suisses d'électricité projettent la construction de plusieurs centrales à gaz, notamment à Chavalon (VS), Cornaux (NE) et au Lignon (GE).