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Les EMS ont-ils tout fait juste par rapport à la pandémie?

En Suisse romande, les EMS ont été gravement touchés au début de la crise. Les syndicats dénoncent de graves lacunes.
En Suisse romande, les EMS ont été gravement touchés au début de la crise. Les syndicats dénoncent de graves lacunes. / 19h30 / 2 min. / le 27 mai 2020
Les institutions de vieillesse du pays ont été mises à l'épreuve par la pandémie. Plus de la moitié des victimes romandes du nouveau coronavirus vivaient en EMS. Les syndicats dénoncent d'importants manquements et des responsables reconnaissent certaines lacunes.

La Suisse compte plus de 90'000 résidents en établissements médico-sociaux. Cette population est la principale victime de la pandémie. Les morts en EMS représentent par exemple environ 60% du total des décès enregistrés dans le canton de Vaud. Plus de la moitié des victimes romandes du coronavirus vivait en établissement médico-social. Toutes les mesures ont-elles été prises pour préserver ces établissements?

Reproches syndicaux

Cette population vulnérable est forcément plus à risque. Mais selon le Syndicat des services publics, des erreurs et des mesures insuffisantes en début de crise ont facilité la propagation du virus dans les EMS. "Il y a eu un manque de matériel criant dans les EMS! Il y a des institutions où le personnel devait garder des masques chirurgicaux pendant 12h, alors que normalement on les change toutes les 2 ou 3 heures. Des gens ont été encouragés à venir travailler alors qu'ils avaient des symptômes. Avec un meilleur matériel de protection et des mesures d'isolement plus drastiques, il y aurait certainement pu avoir moins de cas", déplore Vanessa Monney, secrétaire syndicale au SSP Vaud.

Selon la syndicaliste, les mesures d'isolement ont tardé à être mises en oeuvre dans certains établissements: "Une fois que le virus était entré dans des institutions, on a pu constater des problèmes graves. Par exemple, dans un EMS où une personne a été testée positive, son isolement a été fait de façon très lente, ce qui fait que toute la tablée où cette personne avait l'habitude de prendre son repas a attrapé le virus".

Le 1er avril 2020, l'Association suisse des infirmières et infirmiers Vaud, Syna Vaud, la fédération syndicale SUD, le SSP Vaud, l'ASE section Vaud et Avenir social Vaud se regroupaient pour envoyer un courrier à l'autorité cantonale: "A l'heure actuelle, le personnel n'a pas assez facilement accès à des tests de dépistage du virus qui permettraient d'améliorer la mise en quarantaine rapide des personnes touchées et de limiter autant que possible la circulation du virus".

Stocks lacunaires

Tous les EMS de Suisse n'ont pas été touchés de la même manière. François Sénéchaud, secrétaire général de la faîtière vaudoise HévivA (Association vaudoise d'institutions médico-psycho-sociales), détaille: "Sur les 172 EMS/EPSM du canton de Vaud, on a compté jusqu'à 43% d'établissements atteints. Toutefois, à ce moment précis de l’épidémie, la majorité ne comptait que quelques cas isolés. Ainsi, sur les 6917 résidents du canton, seuls 332 personnes (5%) étaient malades".

Contactés par la RTS, plusieurs responsables d'institutions de vieillesse rejettent les reproches des syndicats. Le dépistage systématique, par exemple, pourrait donner une "fausse impression de sécurité". Fermer hermétiquement les portes des EMS au virus serait une illusion. Toutefois, ces mêmes responsables reconnaissent que "tout n'a pas été optimal", surtout durant les premières semaines de crise. François Sénéchaud, secrétaire général de HévivA, admet ainsi que les stocks de blouses, masques et gants se trouvaient "en quantité trop limitée". Le 4 avril, Olivier Mottier, secrétaire romand de la Fédération patronale des EMS vaudois, exprimait quant à lui au 19h30 sa colère face aux conditions d'entrée de nouveaux résidents en EMS.

Dans les EMS de Suisse romande, le bilan commence à être lourd.
Dans les EMS de Suisse romande, le bilan commence à être lourd. / 19h30 / 2 min. / le 4 avril 2020

En Valais, au sein de l'EMS Riond-Vert de Vouvry, le coronavirus a emporté plusieurs résidents. "On a tous essayé de faire au mieux", soutient le directeur, Fabien Delavy. "On a vécu des périodes extrêmement délicates. On était limite, mais on a réussi à être toujours approvisionnés, parfois dans les derniers délais, mais nous n'avons jamais eu de problème de manque de matériel. Par contre, on a perdu beaucoup d'énergie à chercher ce matériel".

Le directeur valaisan poursuit: "Normalement, l'Etat devrait avoir un stock stratégique pour l'ensemble des intervenants de santé. On a demandé fin janvier si ce stock existait… ce qu'on nous a promis… Et quand on en a eu besoin, la distribution principale se faisant dans les hôpitaux – ce qui est normal –, on devait se débrouiller par nous-mêmes. C'est là que ça a été difficile. On s'est retrouvé tous sur le marché en même temps". L'Etat n'a-t-il donc pas joué son rôle? "Je pense que c'était extrêmement difficile d'anticiper ce genre de pandémie".

Valais, Vaud, Genève… Tous les cantons ont été pris au dépourvu sur la disponibilité du matériel de protection pour les EMS. "On reconnaît que de ce point de vue, il y a eu des lacunes, en tout cas au début de la crise", admet Fabrice Ghelfi, directeur de la Direction générale de la cohésion sociale dans le canton de Vaud. Ces stocks trop justes ont-ils favorisé la propagation du virus? "C'est extrêmement difficile d'isoler un facteur dans une gestion de crise. On ne peut pas tirer cette conclusion-là".

Même analyse de la part de Tosca Bizzozzero, présidente du groupement des médecins d'EMS vaudois: "Toutes les mesures ont été prises à temps. La seule chose qu'on pourrait peut-être nous reprocher, c'est de ne pas avoir eu à un certain moment suffisamment de matériel de protection. Mais je ne suis pas convaincue que ce manque ait vraiment fait pencher la balance vers un plus grand nombre de décès".

>> Son interview complète dans l'émission Forum :

La moitié des décès suisses liés à la pandémie ont eu lieu en EMS: interview de Tosca Bizzozzero
La moitié des décès suisses liés à la pandémie ont eu lieu en EMS: interview de Tosca Bizzozzero / Forum / 5 min. / le 22 mai 2020

Durant la crise, les cantons ont progressivement ajusté et renforcé leurs consignes. Pour le canton de Vaud, Fabrice Ghelfi balaie ainsi les reproches du syndicat SSP: "On peut réécrire l'histoire, mais en pleine situation de crise, quand il faut gérer des flux et des situations particulièrement complexes, ça prend toujours un peu de temps pour mettre en oeuvre les mesures les plus adéquates".

Aurait-on pu déplorer moins de décès en EMS? "C'est une question qui n'a pas tellement de sens car évidemment, on est toujours plus intelligent après qu'avant! Il faut savoir que les EMS sont des lieux de vie mais aussi des lieux de fin de vie, donc il est possible que ces personnes seraient mortes quelques semaines ou quelques mois plus tard. Ce qui est important, c'est que les conditions dans lesquelles ces décès ont eu lieu soient de qualité et permettent de faire en sorte que ce soit une fin de vie la plus digne possible".

Leçons à tirer

"C'est très dur de prendre du recul aujourd'hui", concède Florian Erard, chargé de projets à la Fédération genevoise des établissements médico-sociaux. La Task Force EMS Covid-19 de Genève a donc préféré décliner la demande d'interview de la RTS. "Nous ferons l'analyse de la crise ces prochaines semaines, et nous pourrons ensuite communiquer les résultats".

Autorités cantonales et faîtières d'EMS estiment que de nombreux enseignements seront à tirer. "La question du stock et du matériel sera à mettre sur la table", assure Fabrice Ghelfi. Selon le Vaudois, la crise démontre également la nécessité du plan cantonal prévoyant la disparition progressive des chambres à deux lits en EMS.

Fabien Delavy, directeur de l'EMS Riond-Vert de Vouvry, conclut: "De se rendre compte que la grande majorité du matériel dont on a besoin aujourd'hui vient de Chine, c'est sûrement un point auquel il faudra beaucoup réfléchir".

Pascale Defrance/lan

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