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Pour l'ONU, la future loi antiterroriste suisse attente aux droits de l'homme

La salle du Conseil des droits de l'homme des Nations unies au Palais des Nations à Genève, en février 2020 [Reuters - Denis Balibouse]
L'ONU est très critique envers le projet de loi du Conseil fédéral contre le terrorisme. / Le Journal horaire / 22 sec. / le 31 mai 2020
Dans une lettre adressée au Conseil fédéral, le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme critique le projet de loi du Conseil fédéral contre le terrorisme et l'a mis en garde contre ce texte, qui ouvrirait la porte à une privation arbitraire de liberté.

Le Département fédéral de justice et police (DFJP) a confirmé dimanche avoir reçu une lettre du Haut-commissariat, confirmant une information publiée dans le SonntagsBlick.

Celle-ci évoque la loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme, dont le projet de loi est actuellement en discussion au Parlement.

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"Violations importantes"

Selon le quotidien dominical, le rapporteur spécial de l'ONU craint que "l'application de cette loi ne conduise à des violations importantes des droits humains et des droits fondamentaux". Dans leur forme actuelle, les mesures antiterroristes envisagées ne sont ni compatibles avec la Convention européenne des droits de l'homme, ni avec la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant.

Selon la porte-parole du DFJP, le Conseil fédéral n'a pourtant pas proposé l'un des points controversés, l'instauration d'un placement sécurisé pour les terroristes potentiels (GUG). Une telle mesure, introduite par le Parlement, ne pourrait pas être mise en œuvre. Il ressort en effet d'une expertise commandée par les cantons que, contrairement à l'assignation à une propriété, le placement sécurisé ne serait pas conforme à la Convention européenne des droits de l'homme.

Terroriste potentiel, une notion vague

À la mi-mai, la commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe avait déjà critiqué le projet de loi dans une lettre adressée à la commission parlementaire de la politique de sécurité du Conseil national. Dunja Mijatovic estimait que plusieurs dispositions étaient problématiques au regard des droits humains. Pour elle, les mesures administratives prévues en dehors de la procédure pénale à l'encontre d'un "terroriste potentiel" n'offrent pas assez de garanties juridiques.

L'assignation d'une personne à un périmètre déterminé revient à une privation de liberté au sens de la convention européenne des droits de l'homme, rappelait-elle. Elle s'inquiétait en outre de la notion vague de "terroriste potentiel" qui "risque de stigmatiser une personne alors même qu'elle pourrait n'avoir jamais été soupçonnée d'avoir enfreint la loi, ni avoir été reconnue coupable d'infraction". L'application de ces mesures de police à des enfants âgés d'au moins 12 ans, enfin, la préoccupait tout particulièrement.

>> Lire à ce sujet : Le Conseil de l'Europe dénonce la future législation antiterroriste suisse

Projet déjà adopté aux Etats

Le Conseil des Etats a déjà adopté le projet de loi. Il a défendu des mesures de lutte contre le terrorisme plus sévères que celles proposées par le Conseil fédéral, même s'il a suivi le gouvernement dans les grandes lignes.

Le Conseil national se prononcera sur ce projet de loi lors de la session d'été, le 17 juin selon le programme actuel.

ats/vic

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