Pour l'USS, le service public a fait preuve de robustesse et d'agilité. "Le temps du service public est revenu", écrit son président Pierre-Yves Maillard en introduction à une analyse d'une quarantaine de pages présentée vendredi lors d'une vidéo-conférence de presse. La centrale syndicale exige que l'on renonce à "toute forme de programme d'économies ou d'austérité".
Les dépenses supplémentaires ou pertes de recettes dues à la pandémie ne doivent conduire à aucun plan de coupes dans les prestations ou les salaires. Ceux-ci doivent au contraire être revalorisés.
Pas de "retour à la normale"
"Il ne doit pas y avoir de 'retour à la normale'", a affirmé la présidente du Syndicat des services publics (SSP) Katharina Prelicz-Huber. Le manque de personnel hospitalier est la conséquence directe des politiques d'austérité menées ces dernières années, il n'y a pas de potentiel d'économies dans le service public.
Et pourtant, il existe un risque qu'on se dirige vers des budgets d'austérité pour les services publics, avertit Pierre-Yves Maillard: "Les entreprises publiques vont faire leurs budgets dans les prochaines semaines, et on n'aura toujours pas réglé les compensations des pertes des derniers mois et la prévision pour l'année prochaine est probablement morose", a déclaré le président de l'USS dans le 12h30. Au-delà de toute motivation politique, le socialiste vaudois s'inquiète donc du recours aux mécanismes existants, comme le frein à l'endettement.
La perte des hôpitaux pourrait atteindre jusqu'à trois milliards de francs d'ici la fin de l'année, selon leur organisation faîtière H+. Les transports publics ont vu leur fréquentation chuter de 80 à 90% et essuient des pertes considérables. Quant aux médias, les recettes publicitaires ont chuté de 80 à 90 millions de francs rien qu'en mars et la situation s'est encore aggravée en avril.
Problème de financement
Pour Pierre-Yves Maillard, la crise du coronavirus a mis en évidence un problème structurel dans le financement du service public, et notamment du système de santé. Celui-ci est devenu "trop dépendant de l'activité" qu'il exerce.
Il faut que la main publique garde la possibilité de subventionner les institutions, notamment les tâches les moins bien rémunérées, et de compenser leurs pertes si celles-ci ne dépendent pas d'une mauvaise gestion.
Le paradoxe des médias
C'est notamment le cas des secteurs des gardes d'enfants, de la culture ou des médias. Ces derniers vivent dans une situation "paradoxale", comme l'a souligné la vice-présidente de Syndicom, Stephanie Vonarburg: malgré une hausse de la demande, les recettes se sont effondrées "de manière drastique", au point que certains médias sont "asphyxiés" et contraints à licencier, voire à fermer.
Syndicom salue les mesures prises par les autorités fédérales, mais demande d'aller plus loin, notamment en étendant l'aide à "toutes les catégories de médias". Les géants de l'internet, qui profitent actuellement des revenus publicitaires sans investir dans le journalisme, doivent aussi contribuer désormais à son financement.
Quant à la culture, elle est menacée par une réduction drastique. Les petits assouplissements prévus à partir de samedi constituent plus un risque qu'une opportunité, a déploré Beat Santchi, président central de la Société suisse de musique. Beaucoup d'artistes sont découragés par les obstacles bureaucratiques.
ats/jpr
Importance systémique
Tous les intervenants de la vidéo-conférence ont insisté sur l'importance systémique du service public et son rôle de "stabilisateur systémique", qui était jusqu'ici insuffisamment reconnu.
"Le service public crée de la sécurité et de la confiance et maintient le pays uni", a souligné le président du Syndicat des transports publics (SEV) Giorgio Tutti.
Pour l'Union syndicale suisse, dans une situation d'urgence, seule une organisation qui ne repose pas sur la concurrence, mais sur la coordination, est à même de réagir dans le sens de l'intérêt public. "Cesser abruptement et de manière disparate certaines activités pour s'adapter à la demande à court terme aurait enclenché une spirale infernale".