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Les enfants de saisonniers cachés en Suisse après l'initiative Schwarzenbach

Souvenir d'une "enfant du placard", fille de saisonniers qui a vécu cachée en Suisse.
Souvenir d'une "enfant du placard", fille de saisonniers qui a vécu cachée en Suisse. / 19h30 / 2 min. / le 7 juin 2020
Il y a 50 ans, la Suisse votait sur l'initiative Schwarzenbach. Le texte "contre l'emprise étrangère" fut refusé de justesse, mais il a durablement marqué notre politique migratoire. Depuis les années 1960, des milliers d'enfants d'immigrés vécurent cachés, le regroupement familial étant interdit.

Un regard lourd de souvenirs... C'est derrière la fenêtre d'une chambre en mansarde, à Zurich, que Catia Porri est restée cachée six mois par an, trois années de suite: "Je n'avais pas le droit de bouger, parce que le sol était en bois. Chaque fois qu'on faisait un pas, ça grinçait. Donc je marchais le moins possible, je passais mon temps à dessiner et à lire".

La jeune Catia a douze ans en 1962 lorsque ses parents – tous deux saisonniers italiens – la font entrer pour la première fois illégalement en Suisse. La fillette passe la frontière cachée dans le coffre de la voiture. Elle est ce qu'on appellera plus tard une "enfant du placard": "Mes parents avaient tellement peur, que cette peur a fini par me contaminer. Pour moi, le message était clair: tu n'existes pas. Point".

>> Lire : La marque Schwarzenbach

La xénophobie atteint un paroxysme

Face à l'arrivée massive de travailleurs étrangers au cours des années 1960, la xénophobie atteint un paroxysme. C'est l'époque de l'initiative Schwarzenbach. La Suisse est confrontée pour la première fois à la question du regroupement familial.

La sobriété caractérise les affiches des deux camps – Parti socialiste et Action Nationale – lors de la campagne concernant l'initiative populaire "contre l'emprise étrangère et le surpeuplement de la Suisse". Près de 66% des votants refuseront l'objet le 20 octobre 1974. [Keystone - Str]
La sobriété caractérise les affiches des deux camps – Parti socialiste et Action Nationale – lors de la campagne concernant l'initiative populaire "contre l'emprise étrangère et le surpeuplement de la Suisse". Près de 66% des votants refuseront l'objet le 20 octobre 1974. [Keystone - Str]

Le Conseil fédéral y réagit de façon stricte, constate cette historienne qui a lancé un premier projet de recherche sur les enfants cachés: "C'est au moment où on veut réduire à tout prix la présence des étrangers", explique Kristina Schulz, professeure d'Histoire à l'Université de Neuchâtel: "Et la manière de le faire, c'est de réfléchir sur le regroupement familial et d'éviter que ces étrangers viennent avec toute leur famille".

Deux militants de l'initiative "Schwarzenbach" en 1970. [Keystone - Archiv]
Deux militants de l'initiative "Schwarzenbach" en 1970. [Keystone - Archiv]

La psychologue bernoise Marina Frigerio a longtemps suivi des familles de saisonniers.

Elle a raconté leurs parcours de vie dans plusieurs livres: "Dans les années 1980, beaucoup d'enfants de migrants italiens sont tombés dans la drogue. Je sais qu'un grand nombre d'entre eux étaient des enfants de saisonniers qui avaient rejoint tardivement leurs parents ou qui avaient été cachés".

Catia Porri a fini par réussir à s'intégrer en Suisse même si, une fois à l'école, elle a continué à subir des discriminations: "Un jour, après une dictée, le professeur a pris ma copie – comme ça – pour montrer aux autres élèves que je ne savais même pas écrire".

Comme la dizaine de milliers d'enfants de saisonniers cachés en Suisse, Catia Porri est longtemps restée seule avec ses blessures. Elle attend toujours que la Suisse fasse la lumière sur cette page de son Histoire.

Sujet télévisé: Jean-Marc Heuberger

Adaptation web: Stéphanie Jaquet

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