Modifié

Après une arrestation violente, un policier genevois a changé son regard sur les étrangers

Alain Devegney, gendarme pendant 30 ans à Genève. Aujourd'hui, il est à la retraite.
Témoignage d’un ancien policier xénophobe reconverti en médiateur entre police et étrangers / Le 12h30 / 2 min. / le 9 juin 2020
Les violences policières poussent des milliers de personnes dans les rues. Un ancien policier genevois passé de l'extrême-droite à la médiation avec les communautés étrangères témoigne.

Alors que la vague d'indignation se poursuit après la mort de l'Afro-Américain George Floyd, asphyxié sous le genou d'un policier blanc, Alain Devegney, gendarme pendant 30 ans à Genève, retraité depuis 10 ans, a accepté de témoigner dans le 12h30 de la RTS.

Il a d'abord milité au sein du parti d'extrême-droite Vigilance, avant de lancer un projet d'intégration et de médiation pour transformer les relations entre la police et les différentes communautés étrangères de Genève.

"Je militais pour ce qu'on appelait la droite nationale...en fait c'était beaucoup la peur qui nous conduisait. Moi je suis issu d'une génération où mon père hurlait sur le balcon: 'fumiers d'Italiens et d'Espagnols qui viennent voler le pain des Suisses!' A l'école primaire, mes deux meilleurs amis de l'époque étaient italiens, et je n'ai jamais osé les amener chez moi quand mon père était là."

Dans le viseur d'une kalachnikov

Militer au sein de ce parti xénophobe et populiste, ce n'est pas la bonne direction. Alain Devegney en prend conscience alors qu'il est agent de sécurité sur un vol Swissair.

"Lorsque j'ai été engagé sur Swissair pour protéger les avions, j'ai été racketté par une patrouille de l'armée zaïroise, déshabillé, dévalisé, c'était la première fois de ma vie que j'étais une victime."

"J'étais un flic, pur et dur, deuxième dan de jujitsu. Là j'étais comme un connard en limite de brousse, à poil. Ils avaient une kalachnikov, moi pas. Et puis voilà, ça a été le début d'une réflexion, c'est clair. Je me suis aperçu que les Noirs qui vivaient au Zaïre (actuelle République démocratique du Congo) à l'époque, et encore maintenant sans doute, étaient les premières victimes de ces charognards. Si j'avais été là-bas, j'aurais aussi tout fait pour partir."

Un groupe de médiation

Avec un autre policier et l'association Mondial Contact, Alain Devegney lance un projet de médiation et de dialogue entre les policiers et les étrangers, qui composent 40% de la population genevoise.

"Il y avait un groupe d'Africains qui venaient boire des bières, il y avait un groupe de Maghrébins, il y avait des clochards, des toxicomanes, et les commerçants. Je devais faire le grand écart pour que tout se passe bien. Au début bien sûr j'ai mis des contraventions. Mais je me suis aperçu que ce n'est pas comme ça que ça marchait le mieux."

"Quand la gendarmerie a décidé de créer des cours de médiation, naturellement on m'a proposé. J'ai accepté. Comme j'avais beaucoup de communautés étrangères, je suis entré dans Mondial Contact, d'abord avec beaucoup de méfiance. Et puis pour finir, ça a été l'une des plus belles aventures humaines de ma vie! C'est con...on a vécu tellement d'émotions!"

Un documentaire

Mondial Contact n'existe plus. Et cette structure de médiation entre les policiers et les étrangers non plus. Mais la police genevoise affirme que la formation de base a été renforcée sur la thématique des droits humains et de l'éthique.

Ce projet porté par Alain Duvegney est raconté dans le documentaire d'Ursula Meier "Pas les flics, pas les Noirs, pas les Blancs", disponible en VOD sur différentes plateformes.

Pauline Rappaz

Publié Modifié