Selon une enquête de la journaliste Laurence Villoz pour Protestinfo, il y aurait une recrudescence de l'activité des groupes religieux considérés comme sectaires.
L'historien fribourgeois des religions Jean-François Mayer constate, par exemple, un changement de méthodes dû à la situation de distanciation sociale actuelle. Ne pouvant plus sonner aux portes, un témoin de Jéhovah lui a confié n'avoir jamais écrit autant de lettres manuscrites.
De nouvelles stratégies de ciblage
A Genève, le Centre intercantonal d'Informations sur les Croyances (CIC) a identifié des dépliants illustrant le coronavirus comme le "mal en l'individu" ou symbolisant le "péché".
Pour Manéli Farahmand, directrice du CIC, ces messages répondent à une logique missionnaire millénariste que l'on retrouve notamment chez les Mormons. Elle n'est pas étonnée par des interprétations religieuses illustrant le coronavirus comme le signe avant-coureur d'une destruction imminente du monde.
Les visions apocalyptiques fleurissent aussi dans des milieux conservateurs évangéliques où le virus est associé à une punition divine. Il existe aussi une vision éco-spirituelle néo-chamanique où l'humanité est perçue comme un énorme coronavirus en train d'étouffer la planète.
Le Covid-19, du pain bénit pour les sectes
Pour Jean-François Mayer, fondateur de l'institut Religioscope, il est normal que les groupes millénaristes voient dans la pandémie une confirmation de leur vision du monde.
De là à savoir si certains groupes en profitent réellement, sans statistiques fiables, il est impossible de l'affirmer. Même son de cloche du côté du CIC et du centre zurichois Infosekta.
La vigilance reste de mise
L'éthnopsychiatre genevoise Franceline James constate que l'insécurité est un terrain propice à l'expansion des mouvements sectaires. Selon la fondatrice de l'Association genevoise pour l'ethnopsychiatrie (AGE) qui propose entre autres des consultations pour les personnes victimes de dérives sectaires, personne ne décide sciemment d'entrer dans une secte: "Il s'agit toujours d'une situation particulière où la personne est aux prises avec des questions où les réponses habituelles, ses certitudes intérieures, ne conviennent plus". Comme, par exemple, après un deuil, une rupture ou encore une situation familiale difficile.
La pandémie a accentué un sentiment général de fragilité et face aux gourous ou prophètes auto-proclamés très présents sur internet, la psychiatre genevoise s'inquiète: "Si l'insécurité collective devait se poursuivre, nous sommes face à un vrai risque", conclut-elle.
Emmanuel Tagnard, RTSreligion/Laurence Villoz, Protestinfo.ch/sjaq