A Genève notamment, au plus fort de la crise, 14'000 personnes ont bénéficié d'une aide via les Colis du coeur. La semaine dernière, ils étaient un peu plus de 11'000 et ils seront le même nombre cette semaine, très loin des 3500 bénéficiaires d'avant la pandémie.
La Fondation pour l'Animation socio-culturelle lausannoise prépare, elle, 1200 sacs hebdomadaires en collaboration avec Table Suisse. La demande n'a pas baissé dans les lieux de distribution.
Pour toute une catégorie de la population, le travail n'a donc clairement pas repris, en dépit du déconfinement. Parmi ces personnes, les sans-papiers sont toujours nombreux, mais un autre public est plus présent qu'avant.
Permis B ou C
"On voit arriver des personnes pour lesquelles la reprise du travail est difficile même après le déconfinement. Ils ont des permis B, C, cela peut être des familles nombreuses, des femmes seules avec enfants", explique Nicolas Margot, médiateur Eglise Réfugiés au Point d'appui à Lausanne.
Ces personnes ayant un permis B ou C se débrouillent sans faire appel à l'aide sociale, car le recours à cette aide de l'Etat est un facteur limitant pour le renouvellement des permis. Même si le secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) a invité les cantons à ne pas tenir compte de ce critère durant la pandémie.
Les oeuvres caritatives, elles, sont toujours au front. Reste à savoir si elles pourront continuer à aider tout le monde.
Critères plus sélectifs
Cette semaine, Caritas a défini sa stratégie nationale. Depuis avril, l'association a distribué pas moins de 5 milions de francs, dont les deux tiers en Suisse romande, sous la forme de bons alimentaire et d'aides au loyer. Mais Caritas reconnaît que l'urgence passée, elle va désormais fixer des priorités.
"On sera un peu plus sélectifs: est-ce que la personne pourra reprendre son travail, ou est-ce que l'emploi est définitivement perdu?", illustre Pierre-Alain Praz, directeur Caritas Vaud. "Il n'y a pas de sens de fournir encore une aide en août ou en septembre à une personne qui aurait définitivement perdu son travail et qui serait condamnée à manger par le biais de dispositifs de distribution gratuite, et avoir Caritas ou CSP qui finance un loyer."
Chaque situation sera évidemment soigneusement évaluée, rappelle Caritas, qui s'attend désormais à faire face à des demandes d'un autre genre. "A la rentrée de septembre, on aura peut-être la demande de personnes qui n'ont pas recouru à cette aide d'urgence, mais qui vont se retrouver, si l'économie ne repart pas, avec des problèmes de finances ou de surendettement", estime Pierre-Alain Praz.
Collectivités mobilisées
Les collectivité publiques se mobilisent aussi. Certaines communes ont créé des fonds d'urgence, le canton de Fribourg a débloqué un million de francs.
Jeudi soir, le Grand Conseil genevois a accepté un projet de loi pour un fonds d'urgence doté de 15 millions de francs, qui doit servir à indemniser les travailleurs précaires qui ont perdu leur emploi à cause de la crise et n'ont touché aucune aide fédérale. En substance, ils pourront recevoir l'équivalent de 2 mois de salaire à 80%.
"La crise sanitaire a révélé un certain nombre de situations: des personnes qui n'avaient pas besoin de l'Etat et pouvaient s'en sortir avec beaucoup de résilience, se sont retrouvées du jour au lendemain sans revenus", explique Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat genevois en charge de la cohésion sociale, dans La Matinale.
"Filet social plus adapté"
Le filet social n'est plus adapté, selon le ministre. "Le système des assurances sociales, qui a été créé il y a 50, 60 ou 70 ans, n'est plus en phase avec le monde du travail", souligne-t-il. De plus, il ne prend pas en compte certaines réalités, comme la situation des sans-papiers, ou d'autres facteurs de précarité ou de pauvreté en Suisse, regrette Thierry Apothéloz.
Dans le canton de Vaud, une motion déposée mardi réclame une stratégie cantonale de lutte contre la pauvreté. Autant de réponses à la hausse de la précarité qui s'annonce suite à la crise du coronavirus.
Céline Fontannaz/kkub