"La protection de la population est une priorité politique, mais pas de cette façon", explique d'emblée Brigitte Crottaz lundi dans La Matinale. "En aucun cas nous sommes contre une défense aérienne", assure-t-elle. "C'est sûr qu'il est nécessaire d'avoir une police du ciel, mais il faut qu'elle soit proportionnée aux risques encourus. Et, actuellement, le projet est totalement disproportionné de par le type d'avion qu'on envisage d'acheter et de par les moyens qui sont mis alors qu'on pourrait faire quelque chose de beaucoup moins coûteux avec des avions tout aussi performants".
La conseillère nationale socialiste rejette par ailleurs l'affirmation selon laquelle la flotte actuelle d'avions de combat sera dépassée à l'horizon 2030. "Il faut anticiper, mais elle ne sera pas du tout dépassée, elle peut encore être maintenue", estime-t-elle.
Les F/A-18 ne sont concernés que par une toute petite quantité de missions chaudes par année.
"Les progrès font qu'on peut augmenter les heures de vol jusqu'à 6000 voire 10'000 comme le font certains pays. Donc il est possible de prolonger la vie des F/A-18 pour autant qu'on le couple avec d'autres choses - des avions de surveillance plus légers qui pourraient effectuer la plupart des missions sur le territoire suisse, puisque les F/A-18 ne sont concernés que par une toute petite quantité de missions chaudes par année."
Brigitte Crottaz défend donc l'option d'avions plus légers, malgré les critiques opposées par le gouvernement à ce type d'appareils qui voleraient trop bas et ne pourraient pas intervenir assez vite.
Les experts disaient que les risques actuels ne sont pas une guerre traditionnelle.
"Ce n'est pas vrai, ils vont très vite, ils sont plus rapides au décollage que les FA/18 qui ont besoin de 15 minutes de chauffe pour démarrer alors que les avions légers démarrent immédiatement, ce qui compense souvent le retard qu'ils peuvent avoir en termes de vitesse", répond celle qui a siégé une année dans la commission de politique de sécurité.
"Et ces avions n'ont même pas été étudiés dans le concept du DDPS", précise-t-elle. "Cela a été tout de suite mis de côté alors que c'était une des propositions des experts qui disaient que les risques actuels de la Suisse ne sont pas une guerre traditionnelle".
Sécurité suisse assurée sans l'OTAN?
On entend parfois au PS l'argument selon lequel l'OTAN est à même de protéger la Suisse en cas d'attaque, ce qui fait bondir dans d'autres partis défendant une souveraineté helvétique.
"Mais est-ce qu'on assure vraiment notre sécurité actuellement?", interroge Brigitte Crottaz. "Non. Depuis 2003, il est prévu qu'on ait une police de l'air 24 heures sur 24. Ce n'est toujours pas le cas et ce ne sera le cas qu'à fin 2020. Donc nous avons vécu jusqu'en 2014 avec une police de l'air qui faisait des horaires de bureau, qui faisait la pose de midi et qui finissait à 18h00, et ensuite c'était nos voisins avec lesquels on a des accords qui prenaient le relais s'il y avait des problèmes d'intrusion dans notre espace aérien".
La défense sol-air serait bien plus utile pour faire face à des missiles
Il faudrait par contre augmenter la défense sol-air, estime la Vaudoise, "parce que c'est là que le paquet présenté par le Conseil fédéral est faible. On nous présente des avions de combat capables de bombarder le sol, ce qu'ils ne feront jamais. La défense sol-air serait bien plus utile pour faire face à des missiles. Il serait tout à fait possible de faire quelque chose de plus réaliste en matière de défense sol-air et avec une flotte d'avions moins chère".
Face aux 6 milliards de francs prévus dans le budget de la Défense pour l'acquisition de ces nouveaux avions de combat, Brigitte Crottaz relève que ce budget "augmente d'année en année, avec une augmentation de 1,4% (…) Et ce budget est celui qui a augmenté le plus entre 2014 et 2023, de 50% sauf erreur, alors que le budget de la formation ou des transports ou de l'aide sociale n'ont augmenté que de 25%".
On estime simplement que le projet actuel n'est pas réaliste, qu'il est surdoté.
Au final, n'est-ce pas l'armée qui est la vraie cible des socialistes à travers cette votation sur les avions? "C'est ce qu'on aimerait bien que je dise mais non, pas du tout", assure la conseillère nationale. "On estime simplement que le projet actuel n'est pas réaliste, qu'il est surdoté. On est pour une police de l'air, c'est indispensable, mais une police proportionnée".
Propos recueillis par David Berger/oang