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"On a besoin des avions de combat, car l'armée doit être prête à tout"

L'invité de La Matinale (vidéo) - Charles Juillard, conseiller aux Etats PDC jurassien
L'invité de La Matinale (vidéo) - Charles Juillard, conseiller aux Etats PDC jurassien / La Matinale / 12 min. / le 1 juillet 2020
Charles Juillard, conseiller aux Etats PDC du Jura, vient d'un canton antimilitariste, qui avait dit non à 74% en 2014 à l'achat du Gripen. Aujourd'hui, ce colonel d'infanterie est au front pour défendre l'acquisition de nouveaux avions de combat.

Le peuple devra se prononcer le 27 septembre: la Suisse doit-elle ou non dépenser six milliards de francs pour l'achat de nouveaux appareils de combat?

Pour Charles Juillard, la sécurité est un droit fondamental du citoyen, mais c'est aussi "un devoir élémentaire des collectivités publiques": "La sécurité, c'est un puzzle... un mécano complexe qui va de la police communale, cantonale, à l'armée et aux frontières. Et, dans ce puzzle, il y a une composante qui est la sécurité aérienne dont il est question à travers cette votation. Nous avons besoin de cette couverture aérienne pour toute une série de missions: évidemment, celle qui est la moins probable actuellement, c'est la défense. Mais la police aérienne est un élément fondamental".

Ce fervent défenseur de l'armée rappelle que chaque année celle-ci effectue 200 à 300 interventions par an pour protéger l'espace aérien suisse. Quarante sont même qualifiées de "hot missions", des missions importantes, "chaudes", en jargon gris-vert.

Il faut garantir la souveraineté de notre pays, aussi dans son espace aérien.

Charles Juillard

Mais la Suisse a-t-elle réellement besoin de l'achat de trente à quarante nouveaux avions de combat? Est-ce que la défense aérienne est vraiment prioritaire dans les tâches de l'armée? La menace des cyber-attaques semble plus présente, tout comme les catastrophes naturelles dues au dérèglement climatique. Certains évoquent aussi un "black out", une gigantesque panne d'électricité, qui pourrait mettre la Suisse à terre.

Pour Charles Juillard, il n'est pas forcément aisé de répondre à cette question, car le futur est incertain: "Aujourd'hui, nous projetons d'acheter un avion qui va durer entre trente et quarante ans. Les F/A-18 arrivent au bout de leur durée de vie: ils sont usés et nous devons prévoir toutes les éventualités. Il n'y a pas si longtemps, qui aurait pensé qu'on serait frappés aussi rapidement par une pandémie? Personne. Demain, on ne sait pas s'il n'y aura pas une menace terroriste par les airs..." Le Jurassien insiste sur l'importance de "garantir la souveraineté de notre pays, aussi dans son espace aérien". "L'armée doit être prête à toutes les éventualités".

"Il faut que le pays reste sûr"

L'arrêté de planification mentionne un chiffre de six milliards de francs, somme sur laquelle le peuple suisse devra se prononcer. "Oui, six milliards, c'est beaucoup, mais c'est un budget relativement modeste si on le compare à l'ensemble des budgets des collectivités publiques. Les montants alloués à la sécurité dans ce pays sont, somme toute, relativement faibles. Et tant mieux! Parce que nous vivons dans un pays qui est relativement sûr. Mais il faut qu'il le reste".

Rares sont les personnes qui voient combien leur coûte leur véhicule durant toute sa vie. C'est la même chose avec les avions.

Charles Juillard

Sur l'ensemble de la durée de vie des avions, le coût monte jusqu'à dix-huit milliards. Le contexte de la crise économique est particulier à la pandémie de SARS-CoV-2: les Suisses voudront-ils dépenser autant? "Si vous achetez une voiture, vous voyez le prix d'achat. Mais rares sont les personnes qui voient combien leur coûte leur véhicule durant toute sa vie. C'est la même chose avec les avions", explique le politicien démocrate-chrétien.

Mais finalement, pourquoi ne pas avoir des avions plus légers, moins chers et non-supersoniques, au lieu de ce que les opposants qualifient de "projet disproportionné". Ceux-ci suggèrent aussi de prolonger la vie des F/A-18, pour les missions demandant une haute performance: "C'est un leurre. Ces avions sont usés".

Nous mettons nous-mêmes nos propres pilotes en danger en voulant prolonger la vie des F/A-18.

Charles Juillard

Le colonel d'infanterie est catégorique: les trente F/A-18 restants sont en fin de vie: "Nous mettons nous-mêmes nos propres pilotes en danger en voulant prolonger la vie de ces avions".

De plus, il nie que les aéronefs proposés par les opposants soient plus rapides au décollage: "C'est faux de prétendre qu'ils pourront accomplir des missions, même de police de l'air, telles que le F/A-18 le fait aujourd'hui. Nous avons besoin d'un avion polyvalent parce que nous n'avons pas les moyens de nous payer deux genres d'avions différents, contrairement à ce que certains pays ont".

Propos recueillis par Stéphane Deleury

Adaptation web: Stéphanie Jaquet

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